(suite de #L1 | Il débarque)
Il rentre à nouveau dans le hall de l’aéroport et trouve une machine où des gens font la queue pour échanger des devises et se retrouve vite en possession de billets de banque marqués de chiffres énormes. S’il faisait un petit effort de concentration peut-être pourrait-il au moins commencer à décrypter les dessins sur les billets qu’il tient en main. D’un côté une vallée encaissée où s’étend une ville naissante d’où s’élève une fumée industrieuse. et de l’autre côté du billet des généraux rapidement croqués par des traits verdâtres ou violacés, et dont le visage garde en toute circonstance un menton net et imberbe relevé vers l’horizon. Sur ce billet il ne peut là encore rien lire de ce qui serait le nom du pays où il se trouve. Nous sommes en Mauritanie ou au Cambodge, en tout cas dans un pays jeune dont le guide souhaite faire tourner la machine et enrichir les possédants des villes. Les gens sont quasiment absents de ces billets. Pas un animal, pas un zébu, pas même un chameau, ce qui exclue donc la Mauritanie (il fait trop humide pour la Mauritanie).
Notre héros a maintenant de quoi survivre le temps de retourner chez lui, mais il ne sait pas où il est. Il sort. Un taxi passe, il est emmené en ville à l’hôtel Ibis du nom de la chaîne où il devait séjourner. Il espère pouvoir contacter par le réseau mondial l’hôtel où sa réservation initiale est encore valable pour 6 jours. Il ne sait pas que dans le pays où il se trouve, les communications sont coupées. Internet est bloqué. Le courrier n’est plus acheminé depuis des mois. Les rares fois où il arrive à destination, il a été lu et relu par plusieurs comités populaires agricoles. Des tracteurs parés de grands rubans jaunes stationnent au milieu de la place principale de la capitale. Un peu plus loin, des paysans ont installé un campement autour de la statue de l’ancien Roi, dont la calotte traditionnelle en feutre noir brodé de motifs d’arbustes dorés, symbole de la force et des racines du pays, semble être l’inamovible fierté de ce pays et de ces gens. Si on parcourt encore la rue, on arrive à un pont gardé par des chars de l’armée, eux aussi parés de rubans jaunes. Une partie de la campagne s’est donc liguée avec des militaires pour occuper la capitale. La vie est paralysée. Les ambassades étrangères sont inaccessibles ou fermées.
Voilà qui ne va pas aider le héros de cette histoire à rentrer chez lui. Pour le moment il a été débarqué rapidement et sans ménagement du taxi devant l’hôtel Ibis, pas loin du centre ville.
Rétroliens : #L3 | Trois vies – Tiers Livre, explorations écriture