La petit cuillère à manche de plastique est peu utilisée. C’est dire qu’elle reste posée dans le tiroir aux côtés de ses semblables davantage soumises aux allers- retours entre obscurité et manipulation . On peut expliquer cette mise à l’écart par le caractère peu commode de son manche , cylindre de plastique serti de faux argent à ses deux extrémités. Le cuilleron prolongé par une ébauche de manche fin, vient s’emboîter dans ce cylindre ostentatoire aux couleurs de guimauve ou de jouets douteux ,licornes, poneys à coiffer et autres armes tournées vers les petites filles. Notons que l’endroit où se joignent l’ébauche de manche en métal et le manche décoratif, propice aux dépôts ,difficile à laver, demande une attention particulière et a suscité les premiers mots de son bannissement. Elle a été achetée pourtant dans le sous-sol d’un grand magasin suédois fréquenté par des parents meublant le studio de leur étudiant, par de nouveaux couples venus remplacer le service du mariage par une vaisselle plus ludique . Deuxième service , volonté affichée de ne pas payer trop cher tout en recherchant une certaine esthétique. Toute cette imagerie est mise en échec. La petite cuillère est restée seule parmi d’autres, les vraies qui font corps grâce à leur cambrure. A cette étape Il n’est pas facile de s’en tenir aux faits ,d’ignorer qu’à travers les mots, l’objet entre en résonnance avec les bibelots héros de contes d’Andersen. Décrire la petite cuillère suscite en bord de texte toute une histoire d’abandon qu’on pourrait laisser à l’état de gravats ou au contraire examiner comme un produit de la confrontation entre l’objet et les récits du monde. Tandis qu’on s’essayait à dire la cuillère , un petit soldat s’est solidifié. Que faire de lui, naguère fondu dans un méandre de mémoire, qui nous regarde en souriant?