Elle est dans les starting-blocks de la zone de Kerampuilh, dans les boxes d’entrée du festival des Vieilles Charrues. Elle couve de son regard cette colline pleine d’animaux, des bêtes assoiffées de bières et de visages pâles. Oui, de visages pâles comme elle. Elle a le visage pâle et ce jour-là, il y a beaucoup de soleil mais pas beaucoup de sommeil. L’entrée au festival des Vieilles Charrues est toujours un peu difficile. Il y a les vedettes et il y a la plèbe qui attend qu’on la hèle pour pouvoir rentrer. Cette fois-ci, il y a beaucoup de têtes de meuh. Un tas de têtes fantasques prêtes à faire la fête coûte que coûte et à ne pas en laisser une goutte. De bière bien entendu. Car la bière en Bretagne, c’est sacré. Plus que le cidre ou le lait Ribot. Non, ça c’est pour les veaux.
Beaucoup de bière dans ce festival et les vedettes aux quatre coins de la colline qui semble très mobile avec ce monde en rangs de fourmis entre ses deux seins. Elle, elle s’en fiche un peu de tout ça. Elle ne sait pas trop où aller. Il y a du peuple, du people comme on dit dans les waters, mais ça c’est une autre affaire et une autre litanie, voire une avanie, voire une avarie. Elle, elle se balade de scène en scène comme on se balade de port en port mais elle ne sait pas très bien à quel port s’arrimer. Elle ne s’accroche à rien. Elle ne s’accroche jamais à rien ni à personne, en somme. Elle en a l’habitude. Il ne faut pas qu’on lui montre qu’on s’attache à elle, c’est trop superficiel et puis elle est moins belle. C’est sûr qu’elle est moins belle que les autres mais ce n’est pas très neuf tout ça. Ça date de la rue Quincampoix. Mais quelle est la mission ? Qu’elle se fasse une nouvelle fois chier comme elle en a l’habitude, en solitaire ? Mais elle n’est pas vénère. Elle n’est pas énervée de voir tout ce monde à ses côtés mais ça lui fait de drôles de sensations. Ça lui donne le vertige. Pourtant, il faut qu’elle pige que tout ceci n’est qu’un aquarium avec des vaches dedans. De sacrées belles vaches qui ne se lavent pas les dents et qui font des fautes d’orthographe. Pas comme elle. Elle, c’est la championne de l’orthographe. En revanche, question vocabulaire, ce n’est pas toujours son affaire. Et pourtant, elle aime ses cheveux dorés qui ne sont pas bouclés. Ils sont simplement frisés avec du crêpe dedans. Oui elle a les cheveux crêpés la plupart du temps et pas crépis comme le champi de tata Sand. Il faut qu’on aille à Samarkand.
Pour l’instant, elle est à Kerampuilh et c’est la tuile. Elle ne voit rien ni personne. Elle ne comprend rien à ce festival. Elle ne voit pas comment ça fonctionne. Ah si, par pôles concentriques un peu comme dans les villages d’escargots. Eh bien ! Quel surmenage pour si peu de revenus dans le ménage ! Mais quel ménage ?! Et elle ne fait pas le ménage !? Non. Elle se pique d’aventure au coin de la rue Turlure avec ce vaurien qui voudra bien prendre sa main. Mais ce n’est pas pour tout de suite. Désolée, il faut attendre la suite de cette chanson qui n’a plus de bande son mais qui a pris une ligne de fuite dans son sac à main qui ne vaut rien avec ce vaurien en sac à dos. Tout ça, c’est écrit au dos de la casserole de la rue Carambole.