Cette histoire de chance, ce sera dans deux mois, après que Sandrine l’ait largué, ça il ne l’avait pas vu venir, mais alors pas du tout; avant le déménagement elle parlait même de faire un enfant, ça lui foutait d’ailleurs drôlement les chocottes, il n’avait répondu ni oui ni non, elle avait dit tu bottes en touche. On peut dire que vous avez de la chance ! Quand il arrive avec sa petite annonce cherche petit appartement ou grand studio dans le quartier, la boulangère lui propose un deux pièces dans l’immeuble, vraiment de la chance, il vient juste de se libérer. La chance, c’est pile de ça dont il a besoin, ça fait du bien. Elle est sympa, la boulangère, elle s’appelle Micheline et on l’appelle La Miche, évidemment… C’est incroyable comme elle est généreuse, mais non, mais non, c’est invendu de toute façon, autant que t’en profites. Elle le tutoiera vite, il ne parviendra pas à lui rendre la pareille, elle en plaisantera. Un jour il osera lui dire qu’il aimerait des trucs salés, parce que le sucre, à la longue… N’empêche, presque comme une vraie mère… Des fois un peu trop. Si curieuse.
C’est vraiment historique les remparts, du médiéval XII siècle, et un tronçon gallo-romain du premier siècle avant notre ère. Il a du mal à imaginer des temps si anciens. Déjà même son passé à lui…
Dans la bagnole, le type au volant taiseux, mâchoires serrées, regarde droit devant. À ses côtes, la femme pleure bruyamment. Ambiance fin de partie, tour n’a pas été dit mais ça ne servirait à rien maintenant et ça ils le savent tous les deux. Il la raccompagne chez elle une dernière fois.
La fenêtre allumée au quatrième étage est celle de Mathieu Dubois. Il a un dossier à boucler, surtout il veut revoir son argumentaire pour le rendez-vous chez le DRH demain. Il a bien préparé son coup, il veut la place de Ferraton qui lui a fourni l’occasion idéale de monter au créneau avec sa bourde sur le dossier Fosidis. Et tant pis si on le traite d’arriviste, de jeune loup aux dents longues, il entend déjà la vieille Boutin… Il ne va pas rater l’occase.
Le cinéma, c’est, ça reste et restera le plus important, toute sa vie …