Sortir de ces sas bondé. Sortir de cette cage de poulets, de cet espace né de rien. Personne n’imaginait que tant d’infirmiers, médecins, marins pompiers, retraités, employés municipaux, jeunes en service civique, bénévoles puissent occuper ce terrain de jeu, ce Palais du Sport juste en face du grand stade, symbole de le Ville là où les supporteurs s’assemblent, s’affollanno, s’accalcano, ces espaces désormais réquisitionnés. Les supporteurs sont maintenant des patients et les joueurs des médecins et des infirmiers. La chaleur extérieure est exténuante, depuis l’intérieur de cette bulle vaccinale on ne l’imagine pas. En haut du Palais des Sports les mouettes ont fait leur nid, leur cris sont inaudibles depuis la rue, recouverts par la circulation intense des voitures, plus loin la mer, elle est à un kilomètre et demi, personne n’y pense depuis l’intérieur de la bulle, elle est invisible et inaudible, tout le monde est pris entre un sas et l’autre, entre une attente et l’autre, avec un numéro à la main, alors que les vagues se brisent l’une après l’autre. Autour de la bulle ces gaz d’échappement, ces passerelles, ces grandes allées, cette allée des tilleuls et micocouliers si loin désormais, ces espaces d’exposition de la foire de la Ville qui entourent ce Palais du Sport gris ciment, retiré, d’habitude invisible.
La mer continue a battre la rive, une vague se succède à l’autre pendant l’injection, des enfants rient, d’autres jouent au ballon, certains marchent le long de la place, avec leurs culottes qui sortent des maillots de bain, sur le grand boulevard des gens parlent, d’autres crient, certains sortent du boulot, quelqu’un s’arrête pour boire une bière maintenant que c’est à nouveau possible de s’arrêter pour boire une bière dans un café, ou boire pastis dans un café, ou boire un café dans un café, ce monsieur marche vite, ces deux femmes courent l’une à côté de l’autre, cette vieille dame marche lentement, petit pas de limace, avec son sac bleu clair. Dans le ciel aussi tout est occupé, les avions traversent cette partie du ciel de la Ville, couloir aérien vers l’aéroport sur l’étang, les moineaux se déplacent encore solitaires, les cris de quelques hirondelles sont encore perceptibles malgré la domination des mouettes sur la Ville. Sous terre aussi rien ne s’arrête, l’eau, le gaz, l’électricité circulent, dans d’autres tuyaux les fibres optiques transfèrent en temps réel tout ce qui se passe sur la planète, des données d’informations sous les pieds, les tunnels de la ligne 2 du métro sont juste quelques dizaines de mètres plus en bas que le Palais du Sport, les compartiments sont maintenant bondés, l’heure est de pointe, les fleuves souterrains des égouts se rassemblent dans la station d’épuration des eaux de la Ville, immense Delta invisible. Au rez-de-chaussée de la Ville la position débout des habitants continue à être majoritaire, tout le monde marche en direction différentes, quelques enfants se laissent trainer dans une poussette, quelques rares personnes sont sur une chaise roulante. Les autres marchent à des allures différentes, quelqu’un s’arrête, quelqu’un attend à l’arrêt du bus, quelqu’un s’arrête sur un banc public, lit bavarde ou regarde devant soi, d’autres se dirigent en même temps vers le Palais du Sport, ils ne se reconnaissent pas, leurs allures et leurs vitesses de déambulation sont différentes, leurs intentions aussi.