#L3 – quatuor Version de départ
Ils sont entrés, un par un. Je les connais tous. Celui qui me paye toujours un café. Il me dit « salut le Boss, aujourd’hui c’est ton jour… et j’ai le café. Il me dit l’autre jour en me tendant les clefs de sa voiture, « Va me la déplacer elle gène » et l’autre fois j’ai joué le chauffeur de maitre parce qu’il avait du beau monde à trimbaler. « Tu me donnes combien » j’ai dit en rigolant ? Je leur rends comme ça de menus services, même au boss ça fait que ça éloigne les autres qui savent à qui ils causent les autres alors, ils osent pas – chasse gardée. J’ai appris à conduire, ouais, ils m’auraient pas donné le permis non… pas assez fut-fut le gazier n’auraient pas osé même moyennant finance. Non j’ai appris sur les chemins de terre de là-bas, mon père m’avait prêté le tracteur. N’ont rien vu les autres . Ce matin, je l’ai vu rentrer, j’avais entendu entendu ouais, les autres à la pause le chef dire aux autres : il va arriver, il arrive ce matin le nouveau. Parait qu’il remplace Guss. Ils l’ont retrouvé le Guss il y a déjà un mois oui n’ont pas osé non plus lui dire tiens mais moi, je sais tenir ma langue hein. Le mieux que j’ai à faire c’est je me mets là à l’ombre l’été au chaud l’hiver là-dessous et j’attends le café ou la couverture et de temps y ‘a de ça….
Version 1
Ils sont entrés un par un, je les connais, tous, je connais leurs manies, à l’heure à laquelle ils sortent téléphoner en cachette, leurs petites réunions à deux ou à trois pendant une pause, c’est que je vois des choses intéressantes surtout quand la société a été coté en bourses, ils se parlaient, qu’est-ce qu’ils disaient ? ils parlaient du rachat d’une autre boite, une société de maintenance informatique, j’ai bien compris, c’était mon taf avant, l’informatique, celui là qui arrive, il me paye toujours un café, il me dit salut le boss, et j’ai un café, tu sais en hiver, quand il fait bien froid j’ai des engelures et tout, je peux pas mettre les sous dans la machine même avec mes mitaines, je suis alors dans mon écharpe en laine et je souffle sur mon café.. un jour il me dit en tendant les clefs de sa voiture : va me la déplacer, elle gène, je suis allé illico la re-garer, j’ai trouvé une place prés du rade, tu sais là où le patron il fait son potager, nickel son potager hein hé même que des fois, il me file un peu de sa récolte, c’est lui qui m’a prêté la cabane dans le fond tu vois … j’ai mon réchaud, je dors plus dehors, hé c’est cool hein plus dehors, l’autre fois, j’ai joué les chauffeurs de maître, il y a avait du beau monde à trimbaler. Tu me donnes combien, j’ai dit en rigolant. Je leur rend comme ça de menus services, même au Boss, alors ça éloigne les autres, ils savent à qui ils parlent, chasse gardée, ils viennent pas essayer de grappiller des tomates du potager ou s’installer à côté mine de rien, comme si je les avais pas vu, non rien vu les autres, ce matin, je l’ai vu rentrer, j’avais entendu les autres, ouais entendu comme ça en passant : il va arriver le nouveau, il parait qu’il remplace Guss, ils l’ont retrouvé le Guss, ouais, mais attention, j’étais dans l’informatique pas dans la police judiciaire hein, quoique avant on me donnait des dossiers sensibles quand j’ouvrais certains programmes saisis par les juges ah ouais… c’est pour ça que je me suis fait virer d’ailleurs , il y en a un là haut qu’a pas apprécié enfin, c’est du passé hein , j’essaye de regarder devant hein et tu sais ce que je vois ? la porte de la société, je sors presque plus de la Zone d’ailleurs.. ils ont retrouvé le Guss et ils n’ont pas osé le lui dire au nouveau, mais moi je sais tenir ma langue, le mieux que j’ai à faire, c’est de mettre ici au frais l’été et au chaud un peu l’hiver. Il y a un type qui m’a parlé d’une roulotte, oui, c’est ce que je veux faire : acheter une roulotte, qui roule hein, avec de l’essence. L’autre fois, au bar, j’ai pris sur la table un programme, j’ai vu qu’ils jouent la pièce « Une zone et ailleurs », tu sais mec cet écrivain là qui s’est sauvé, avant, je le connaissais oui c’était mon voisin, il était souvent tout seul, sa femme, elle bossait à l’hôpital, je le voyais, tu sais quoi ? à la laverie… et petit à petit …on a parlé quoi, tu sais quoi, le nouveau il lui ressemble, le mec il a toujours les cheveux en bataille j’ai cru que c’était lui, les tifs en moins, bizarre mec, je suis quand même pas dingue…ouais , je dis rien.
Chercher un peu à développer le monologue et à faire une boucle avec la suite, qui n’avait pas encore été écrite, à me rapprocher du personnage, à le laisser parler.
Version 2
Le fait que rentrés un par, tous un par un déjà il y a eu d’autres pauses café – salut le Boss – salut et voilà un café – moi menus services, voiture chauffeur – ce matin, je l’ai vu rentrer, j’avais entendu les autres, ouais entendu comme ça en passant : il va arriver le nouveau, il parait qu’il remplace Guss, ils l’ont retrouvé le Guss, ils ont pas osé lui dire, mais je sais tenir ma langue, – le soir froid et engelure, le soir, virée au bar rock – le patron et ses légumes- rien d’autre – au matin, retour usine, retour porte. Mitaine – café, un nouveau, un collaborateur : sa disparition, des ragots, des policiers, un juge même – enquête. Le nouveau ? Faux air de l’écrivain – mon voisin avant – L’auteur de « Une Zone et ailleurs » Le fait que le boulot d’avant : bidouillage dans des composants électroniques ; le fait que évaporation du dernier témoin de mon existence d’avant…. Recroquevillé dans ma couverture. Assommé. Retour au bar plus tôt que d’habitude. Besoin d’air. Rendez-vous avec personne. Le fait que le nouveau m’a regardé quand même il s’est passé quelque chose ; il s’est arrêté. Il ne sait plus où il m’a vu mais moi, j’avais froid même les mains collées sur mon rhum café, avec mes mitaines et c’est après que je me suis dit qu’il ressemble au voisin, l’écrivain. Le fait que le même jour, au bar, pris sur la table un programme, vu qu’ils jouent la pièce « Une zone et ailleurs », mec cet écrivain là qui s’est sauvé, avant, je le connaissais oui c’était mon voisin, il était souvent tout seul, sa femme, elle bossait à l’hôpital, je le voyais, tu sais quoi ? à la laverie…on a parlé, tu sais quoi, le nouveau il lui ressemble, il a toujours les cheveux en bataille, j’ai cru que c’était lui, les tifs en moins, bizarre mec, je suis quand même pas dingue… il y a quelqu’un qui a tout retrouvé, il intéressait à ce type en tant qu’écrivain, il le cherchait. A la fin, c’est moi qui ai saisi les notes qu’on a retrouvé après sa dernière disparition connue, c’est même moi qui ai fabriqué ma réinsertion sociale en signalant au Boss mes compétences en informatique. C’est moi qui suis entré dans son ordinateur.
Le quatuor s’est reformé autrement : le narrateur – celui qui a retrouvé les notes , le mec qui attend (moi) et elle, la chanteuse, mais lui a rejoint un point de l’espace encore inconnu, la ligne médiane allongée poursuit sa course.
Essayer de reprendre avec la consigne « Le fait que », écrire quelques phrases sans verbe, je m’aperçois que je peux réécrire en divisant la longueur du texte par deux, ça m’ouvre un chemin pour retrouver « Celui qui arrive quelque part» et disparait ensuite.