« — Elle fixe flou un ou plusieurs motifs — Le papier-peint — » Phrase hachée en deux parties. Dans le style de forme que j’ai adopté pour écrire ce livre en gestation. Contrairement à la structure grammaticale de la phrase en général, les miennes n’ont pas de points. Mes phrases procèdent par segments reliés par des tirets longs. Si mes phrases segmentées n’ont pas de points, elles ont toutes une majuscule initiale. C’est un parti-pris. Mais c’est aussi une forme qui s’est imposée à moi.
Ce parti-pris du tiret séparateur et de la majuscule initiale est choisi pour rythmer le texte. Cela maintient une lecture un peu haletante ; cela bouleverse la syntaxe ; cela a pour fonction de dérouter le lecteur, de le placer dans une position où il doit réfléchir pour rétablir un ordre plus conventionnel de lecture. En même temps, les idées me viennent comme ça ; à ce rythme-là.
« — Elle fixe flou un ou plusieurs motifs — Le papier-peint — » Ici, la phrase fonctionne par ellipses et par décentrements. Dans un style plus conventionnel, on dirait mieux : « Elle fixe un ou plusieurs motifs du (sur le) papier peint, qu’elle voit flou. » ou encore : « Elle fixe le papier-peint et voit flou un ou plusieurs motifs. » Mais on perdrait la dynamique en étant obligé de rajouter préposition, conjonction, pronom, verbe… ; en regroupant les deux segments ; en supprimant les tirets.
« — Elle fixe flou un ou plusieurs motifs — Le papier-peint — » Ici, l’étrangeté naît, d’une part, du rapprochement du verbe conjugué « fixe » et de l’adjectif « flou » qui a valeur d’adverbe ; d’autre part du fait qu’il y a un ou plusieurs motifs, ce qui est deux choses différentes ; enfin, de l’éloignement par le tiret et la majuscule de la phrase nominale « Le papier-peint ».
« — Elle fixe flou un ou plusieurs motifs — Le papier-peint — » Cette composition de phrase non conforme aux règles de la syntaxe normative est lacunaire et fonctionne presque comme un haïku. Le syntagme « Le papier-peint » étant relégué, séparé, en fin d’énonciation acquiert un surplus de poids et une importance accrue dans la phrase. L’adjectif à valeur d’adverbe « flou » est aussi un raccourci qui donne de la force à l’expression.
L’emploi des tirets longs dans tout le texte fait que les segments de phrases conjuguées, les phrases infinitives, les syntagmes nominaux sont à la fois réunis et séparés. Toute la structure rythmique se tient là, dans la succession hachée, entrecoupée et reliée ; avec bouleversement partiel de l’ordre de la syntaxe.
Merci pour ce bel exercice d’éclaircissement. Si ta phrase fonctionne presque comme une sorte d’haïku alors on peut dire que tes phrases se tissent parfois dans l’excès poétique. J’aime plutôt cette idée !
Merci, Camille, pour ce retour !
Moi aussi j’aime bien l’idée d’excès poétique.
Pas de la poésie, mais du poétique, de manière incidente.