Qu’est-ce qu’une phrase ?
Le parfum d’une personne aimée flotte encore à mi-hauteur des pièces.
Sortie du texte, extraite, hors contexte. Sujet verbe complément : grammaticalement rien à dire. Et même son pouvoir évocateur est là. Mais ce qui manque autour : la phrase avant, celle d’après. Phrase orpheline.
Qu’est-ce qu’une phrase ? Je donne une définition simple : une majuscule, un mot au moins, un point. C’est une phrase. Rien d’autre, et c’est ce que je dis quand j’enseigne, quand j’enseigne à écrire. Une majuscule, un mot au moins, un point. C’est tout. Tout ce qui fait phrase. Rien d’autre, aucune autre définition possible. Et si ce n’est pas ça, c’est que c’est autre chose. Et qu’importent les variations du point, de suspension, d’interrogation, d’exclamation ou juste un point. C’est toujours la façon de clore la phrase, avec plus ou moins d’intonation. Et je n’entends rien d’autre comme définition.
La phrase parfois se tient droite, fière et noble sans s’appuyer sur rien qui précède ou qui suit.
Parfois, elle est bancale, référencée, accrochée à l’avant, à l’après, et ne peut avancer sans ses béquilles. C’est une pauvre phrase qui claudique, qui boite, qui fait ce qu’elle peut.
Parfois, le point vient juste couper un élan, c’est un leurre.
Le parfum d’une personne aimée flotte encore. A mi-hauteur des pièces.
On voit l’arnaque. On voit le bout de phrase coupé. On sait que l’auteur a triché. Recherche de l’effet facile, rythme artificiel. Mais les jeux sont faits : deux phrases, deux phrases sœurs, deux phrases siamoises, et l’on doit accepter la règle immuable. Une majuscule, un mot au moins, un point.
Le parfum d’une personne aimée flotte. Encore. A mi-hauteur des pièces.
Laisse, on voit bien où tu veux en venir. La phrase aimée flotte. Encore. A mi-hauteur de la page.
Belle déclinaison. S’interroger sur la phrase, sur ce qu’on ressent, sur ce qu’on entend. Riche questionnement.
Merci.
Quand je lis ces deux phrases, j’ignore le point de la première et la majuscule de la deuxième, je lis une phrase. Un nettoyage de mes lunettes est certainement nécessaire.
On a beau faire tous les efforts du monde, le lecteur ne voit bien que ce qu’il veut voir… 😉
oui, et l’insertion plein texte de la phrase récurrente troublerait peut-être encore plus la lecture, en faire comme une obsession intérieure, pourquoi pas dès l’incipit – mais bravo pour l’idée de la décomposition progressive
Ca s’est un peu imposé tout seul, cette décomposition, en fait. Mon côté pédago, sûrement… Tu as sans doute raison pour l’insertion plein texte, et un seul bloc pour dire tout cela.
On reprend ce texte dans le Dictionnaire du comment écrire ?
Belle digression sur la fabrique de la phrase et puis cette phrase comme un écho à toutes les autres :
Phrase orpheline.
Merci pour le coup de pied à l’étrier !