Oublier rêver croire aux beaux jours
le temps ne compte pas
Emploi de verbes juxtaposés à l’infinitif présent pour exprimer des actions abstraites du côté de l’oubli, du rêve, de l’espoir. La personne qui oublie, rêve, veut croire aux beaux jours n’est pas nommée, je me pose même la question : l’action n’est pas réalisée, elle est virtuelle, souterrains sans doute des sentiments de doute, un souhait, oui, ce serait bien d’oublier, rêver….
Par l’emploi de l’infinitif, pas d’indication temporelle sur ces actions et pourtant la phrase suivante le temps ne compte pas introduit justement la notion de temps, par opposition en quelque sorte, dans une tentative de précision mais sans l’expliciter. Qu’est-ce que je veux ou ne peux pas écrire en employant la négation alors que, dans ma vieillesse, oui, le temps m’est bel et bien compté ?
(Question subsidiaire : le temps, lui, compterait ? Il se dirait compteur-conteur de ma vie ?)
Ce serait donc à moi de développer cette affirmation-négation, mais non, je me réfugie derrière le poème de Rainer Maria Rilke ne pas calculer, ne pas compter…. l’été viendra. Mais il ne vient qu’aux patients aussi sereinement tranquilles et ouverts que s’ils avaient l’éternité devant eux. Je m’épargne l’effort de développer cette pensée énigmatique que j’ai jeté sur le papier, j’évite de m’engager sur terrain glissant, miné. Lui a si bien su le dire, tellement mieux que je ne pourrai faire, derrière lui je m’aligne, je me protège des mots qui pourraient m’échapper, me perturber, échappés ils pourraient être hors contrôle.
Le temps ne compte pas.La vie suit son cours. Sans incidents majeur, paisible. Avec son calendrier assuré : tel jour, yoga, à telle heure, en tel lieu. Dimanche, repas de famille. Dans un mois, escapade en Lozère… tout sous contrôle.
La crise du Corona a bousculé cette maîtrise, le temps est devenu incertitude, dans un mois est-ce que je pourrai filer vers la Lozère ? Je ne sais plus rien sur le temps, je ne le contrôle plus et je m’aperçois qu’il me structurait, que sans pouvoir compter sur lui, je suis déstabilisée.
Je ne peux répondre à ma question : lorsque je vis le temps en toute certitude, il me semble aller de soi, je le connais. Si je veux l’expliquer, j’en suis incapable.
Le temps stable serait une illusion qui sécurise ? Et la réalité du Temps source d’angoisse.
Bien, j’adore les citations, passer par la langue de l’Autre, alors pour conclure avec Baudelaire, un conseil :
Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans cesse. Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous. ( Le Spleen de Paris, Enivrez-vous )
Pour ma part, refusant le vin et la vertu, je demanderai à la poésie, à l’écriture poétique, de m’aider à affronter le Temps à venir.
Accompagnée par Faulkner que je cite à ma manière : écrire, c’est craquer une allumette au cœur d’une forêt, c’est mesurer l’épaisseur de l’ombre.