Il aperçoit l’autre sur la même ligne médiane que lui.
Un peu plus loin derrière le bâtiment, une cabane en pierre et en bois, des tables devant sous un auvent. Le propriétaire a fait un petit potager entre des planches qui servent de haies. La végétation arrive à reprendre du terrain, il y a même un poirier, un mandarinier, des pieds de tomates, des courges, des herbes aromatiques. Le soir les musiciens de la ville viennent jouer de la guitare électrique : des standards de Hendricks, des Doors, des Rolling Stone. C’est là qu’il va tous les soirs commencer sa nuit, celui qui passe ses journées dehors à attendre.
Tu passes ton temps, ici, il lui dit celui qui arrive quelque part. Il m’aperçoit, je suis en plein écoute du solo de guitare… et je le regarde. Guitare basse. On est à l’opposé de la salle chacun planté à un angle. Elle arrive. Batterie.
Il aperçoit l’autre sur la même ligne médiane que lui.
Il aperçoit, il est à part soi, comme ce verbe apercevoir est figé, alors que mon personnage est en mouvement, il entrevoit. Il repère, ce qui le met en embuscade quelque part, comme s’il attendait quelqu’un ou quelque chose, il distingue ce qui place un décor, il observe, il note, il décèle – ce qui lui confère un regard scrutateur, il découvre, il remarque, il devine, il s’avise, il entrevoit, il sent, il rencontre il constate…
Il aperçoit l’autre sur la même ligne médiane que lui.
Ligne : dessin, contour, tracé, frontière, limite, cordeau, itinéraire, lignée, parentés, route, direction, règle, profil, démarcation, position, conduite.
Anatomie : Partie du visage correspondant à un trait partant du front, passant par le nez et s’arrêtant au menton.
Mathématique : Droite ou segment qui relie un sommet au milieu du côté opposé dans un triangle, ou les milieux de deux côtés opposés dans un quadrilatère.
Il aperçoit l’autre sur la même ligne médiane que lui.
Cette phrase délimite un espace (géométrique) , ensuite, cette géométrie, triangle (3) ou quadrilatère (4) va se retrouver par exemple,dans le bar sur le terrain vague, autant le terrain est vague, il y a une sorte de chaos, dans le lieu, mais organisé quand même par celui qui plante des arbres, cultive son potager…Ensuite, 4 personnages se retrouvent dans cet espace flottant dans la musique rock.
Il aperçoit l’autre sur la même ligne médiane que lui.
Autre. C’est son double, il a rêvé qu’il conduit une voiture, qu’il a mis un pardessus, qu’il attend quelque part, il se fond en lui. Il y a en arrière-plan une carte, une notion même vague, même imprécise d’orientation dans l’espace, même s’il flotte il y a quand même un repère au moins dans l’espace, une ligne c’est un repère, le seul qui leur reste, un fil tendu. D’où l’importance de la musique. Ils sont 4 finalement dans cette salle d’un bar qui flotte au milieu d’un terrain vague. Il y a quelque chose d’un choc à venir, si on se place sur une diagonale imaginaire dans l’espace, a-t-on statistiquement plus de chance de s’y retrouver, ce n’est pas sûr. Le hasard a sa notion de géométrie , il y a une notion de choc à venir, mais ces personnages sont reliés quand même par un fil invisible , ils ont le choix de faire demi-tour, s’ils le font, qui sait s’ils n’emportent pas avec eux un peu de ce segment invisible avec eux ? Quelque chose qui pourrait se ré-exprimer plus tard. La femme qui arrive de l’hôtel, elle arrive ici par hasard, et entre dans un champs magnétique représentée par cette ligne. En fait apercevoir et être sur cette ligne c’est un pléonasme. Reste aux personnages à redescendre dans leur corps, s’y ancrer. Rythme dans la bouche de celui qui les rides autour de la bouche vers la lèvre supérieure bombée tenue par les muscles vers le nez ancré la mâchoire carrée…deux lignes diagonales bien marquée remontant vers l’occiput rythme dans les proportions, menton avec fossettes, os au-dessus du nez prépondérant.
L’autre celui qui arrive presque en même temps que lui, a un visage assez oval, un peu barbu, yeux grands ouverts, verts clairs, narines un peu remontées, axe du nez rectiligne, lèvres un peu ourlées charnues, un sourire dessus, front haut dégagé.
Le langage ne s’est pourtant pas évaporé, il doit en rester quelque chose quelque part, mais jusqu’à ce point il n’y a pas de dialogue, c’est la musique, solo de guitare basse, batterie, guitare acoustique qui prend le relais. Enfin la femme, celle qui habite l’hôtel, monte sur l’estrade en bois, prend un micro et chante avec les 3 autres musiciens. Celui qui loge à l’hôtel et moi, le narrateur, ainsi que celui qui attend sous la pluie, bien ancré dans nos corps, on écoute la voix, il aperçoit l’autre sur la même ligne que lui en diagonale, il pourrait avoir une vision panoramique de la salle, bref il m’aperçoit moi le narrateur qui suis aussi son double; qui suis venu assister au fait qu’il s’incarne, j’en suis aussi presque un peu l’auteur. La géométrie du début se retrouve dans ce quatuor, 2 , 3 ,4 personnages, lui et le narrateur (2), lui et le mec qui attend (2), lui et elle dans l’hôtel (2), lui, le narrateur, et le mec qui attend devant l’usine (3), lui, le narrateur, le mec qui attend et elle (4), le quatuor. Duo, trio, quatuor.
Ensuite, il y a une sorte de résolution dans la musique rock dans le rade du terrain vague.
Resolution mathématique qui soustend le texte. Explorer la scène et les physiques géometriquement et y inclure le narrateur jusqu’à l’incarnation. Pari osé réussi. Merci.
c’est un saut dans l’inconnu…
Cela donne de l’énergie pour continuer! merci de votre commentaire!!