Elle a décidé de partir, de tout quitter.
Elle s’est mis dans la tête de s’éloigner de sa maison non pas pour fuir, non pas pour ne jamais revenir, non pas pour se changer superficiellement les idées, non pas pour éviter de comprendre ce qui se passe en elle, non pas pour se satisfaire d’explications creuses. Elle avance le long du boulevard et atteint la gare. Elle choisit au hasard son train et ignore ce que sera son lieu de destination. Elle veut découvrir, se laisser aller à l’improvisation, non pas tant pour se libérer d’une décision réfléchie que pour se surprendre le plus possible. Elle se trouve là non pas pour rejoindre un lieu connu, familier, empli de résonances, de sons, d’odeurs semblables à ceux des lieux habituellement fréquentés, au contraire elle veut brouiller les lignes, les sons, les couleurs, les odeurs, non pas pour se fondre dans un espace protecteur, non pas pour rechercher le même type de rencontres familières, de caractères conventionnels et sans aspérités, non pas pour vivre des situations analogues, non pas pour se rassurer dans des conforts faciles, non pas pour rejeter l’instable, le confus, l’inquiétant, l’insolite, mais plutôt pour affronter l’inconnu, le nouveau, le surprenant, l’inattendu.
Elle va prendre un train au hasard sans destination choisie pour se débarrasser des habitudes, des répétitions, pour faire table rase, plonger dans l’invention, non pas pour contourner cet anneau de Moebius qu’elle arpente à l’endroit, à l’envers et à leur inversion, retournant à l’illusion du même, parcourant avec frénésie le temps circulaire et linéaire qui cohabitent, mais au contraire pour épouser parcourir ce toboggan infernal comme un funambule, non pas en le redoutant mais en jouant avec lui, non pas en détruisant les toiles d’araignées qui l’explorent mais en les observant, non pas en rejetant les malentendus, les regrets, les choses irrémédiables mais en les mettant à leur place, non pas en avançant toujours au fermé, au déterminé, au répété, au suggéré, à l’imposé, au manipulé, au bienséant, non pas en ignorant, dépréciant les rêves, leurs visions, non pas en méconnaissant le rythme cosmique en toutes choses. Partir non pas comme une touriste bien informée, saturée de lectures de guides et d’images stéréotypées, non pas comme une touriste méthodique, conventionnelle, plutôt comme une voyageuse extravagante et vagabonde, non pas comme une personne agitée et fébrile, prête à amasser le maximum, à piller de ses regards, non pas une fugitive bizarre, non pas une obsédée à déployer des subterfuges pour se rendre invisible ou inatteignable, mais une femme apaisée, calme, mélancolique à ses heures, sûre du bien-fondé de sa décision. Elle s’interroge, pour savoir où plus tard elle situera ce départ imprévu non pas dans le cours prévisible mais dans celui parallèle qui échappe si souvent, celui des événements égarés, incompris — plusieurs sont présents dans sa vie. Partir et non pas fuir, partir et rencontrer des éléments de vérité sur les autres et soi-même.
Quand elle descendra du train et qu’elle atteindra le parc tout proche, elle se demandera non pas pourquoi suis-je là, la question n’aura plus de sens pour elle, mais que vais-je découvrir, vivre, partager de nouveau, d’insolite. Elle marchera lentement non pas pour passer le temps, pour se fatiguer, mais pour jouir subtilement des amples allées bordées de saules pleureurs et de buis, des oiseaux furtifs qui l’accompagneront et du soleil dans un ciel d’été indien qui la réchauffera.
j’aime beaucoup ce paragraphe de fin, cette poésie soudain qui vient accompagner, et même soutenir le personnage…
bien à toi
merci Françoise pour ton regard bienveillant;.
quête du personnage qui la mènera où ?