non pas alors simple volute pâle sur le dais bleu du ciel, volatilisation du brun tabac en griserie éphémère, mais taie nictitante qui voile quelques secondes le paysage craint, le fait disparaître ou l’escamote, ou alors le trouble subtilement comme une vapeur, un tremblement mesmérien, qui installerait l’attente d’un autre paysage, non pas le djebel minéral en indentations et mamelons ocres, aux ondulations grises de la terre mouchetée de boqueteaux avortés, de buissons ras, mais le rouge brique du Nord, le noir terril, la fosse Renard de Denain la ville feumière, non pas l’errance des yeux qui coulent à l’infini, mais l’arrêt du regard sur les chevalements dressés, le feuillet schisteux de la Bleuse Borne, non pas le rabot du soleil africain, mais les pastels foncés des ciels de Bruay à Bonsecours, la fosse Lagrange gagnée sur les sables mouvants, ciels et terres d’eau, non pas la croûte de l’erg qui éblouit derrière les rubans évanescents de la Bastos, non pas le vide trompeur de l’étendue balafré d’une route bitumée, où les éperons rocheux déchirent l’espace, où les poteaux téléphoniques faufilent mollement le paysage, qu’en d’autres circonstances, la même cigarette en main, il eût apprécié par le dépaysement qu’il offrait, non pas le panorama d’un vide menaçant, prélude attendu à l’apparition concertée d’humains hostiles, mais la proximité rassurante et connue de la petite ville minière, les mêmes gens depuis l’enfance, non pas la fuyante langue arabe mais le picard de Valenciennes, les gens qui fument et parlent rouchi, langue des gens d’ici, drouchi, il ignore le mot arabe pour dire ici, ça ne lui parle pas, ne l’intéresse pas, pas sa langue, pas d’invagination possible, il souffle doucement la fumée qui serpente, c’est sa marque à lui, si toutes les fumerolles pouvaient rester en suspension, on serait en plein smog, on s’y cacherait de l’hostilité ambiante, fumer est un art pneumatique, non pas un sfumato mais une perspective atmosphérique dont il serait l’arrière-plan engourdi dans la légère narcose tabagique, à la fois origine et point de fuite, une singularité optique impossible qui le ferait disparaitre du paysage.
J’aprécie l’usage des nom propres, leur capacité à porter la fiction et ce tour des non pas, du sud au nord est superbe,
merci Catherine, c’est sympa d’être passée et d’avoir commenté !