réunirait tout ce que, par manque d’imagination, je n’arrive pas à concevoir, l’insolite que l’habitude dérobe, une inimaginable forme de vie. Il serait écrit distraitement entre deux conversations. Rédigé à partir d’une position inconfortable, sur une balançoire qui grince ou un tabouret bancal, tout en sachant que dans l’appui qui fait défaut réside son arme secrète. Il deviendrait une pensée de laquelle on s’imprègne jusqu’à l’oubli de soi. Écrit à flots de mémoires que je croyais perdues, d’inventions qui claquent sur deux mots faciles. Le livre que je n’écrirai pas dort dans l’attente d’un bruit qu’il ne peut pas reconnaître. Et cela aussi fait peur. Le livre que je suis incapable d’écrire se révèle par brouillons, approches malhabiles et traits enfantins. Il se cache du monstre dans lequel il peut se transformer ou du vide qui le menace. Microscopique et avide. Le livre que suis incapable d’écrire existe déjà dans des milliers d’autres livres, parce que je le reconnais dans ce qu’il a d’invincible. Et pourtant, je cherche. Un étonnement, une idée qui me ferait sourire, un appel auquel je ne pourrai résister. Un recommencent qui renaitrait de l’usure.