Non pas redire le même mot jusqu’à ce qu’il perde sa densité non pas prendre ces dépliants sur la table et chercher une sortie, non pas écrire des notes pour qu’un improbable lecteur les publient, non pas laisser de traces, non pas penser à après, non pas téléphoner à son ex-femme le soir alors qu’elle dîne au restaurant et que son portable retentit dans la salle, non pas faire en sorte qu’elle dise distinctement «Allo?», et une autre phrase manifestant qu’elle est bien dans sorte d’intimité avec lui… non pas aller au Casino, jouer à la roulette ou à la machine à sous avec les autres, non pas relire d’improbables dossiers, non pas sortir marcher seul dans les rues le soir en réfléchissant à celui que je remplace, non pas réfléchir au fait qu’il est allé sur cette île chercher le professeur dans l’espoir de retrouver la silhouette de son père. Non pas prendre son carnet de téléphone, qu’il a gardé comme avant le carnet électronique et appeler les comédiens qui ont joué ses comédies, non pas chercher à faire des parallèles avec d’autres histoires et imaginer la tête du juge d’instruction qui viendra faire son enquête dans les locaux, non se regarder dans la glace et vérifier ses traits, non pas essayer d’écrire des notes, non pas chercher à savoir si quelqu’un lira ces notes, non pas chercher à revoir le moment de l’infarctus, non pas chercher à décomposer chaque mouvement : Infarctus. In-réfracter, effraction, mystère de l’arrêt cardiaque, non pas chercher à entrer dans le cœur, in misere. Non pas percevoir l’instant la difraction du la veine coronarienne qui cesse de pulser, non pas téléphoner à son ex-femme. Elle ne dit rien. Non pas écouter celui qui attend des heures entières contre le mur de l’usine, non pas rechercher à corriger des répliques de ces pièces, non pas noter des remords en marge, non pas projeter une fin heureuse ou malheureuse à sa propre histoire, non chercher à anticiper, non pas courir vers une porte entrouverte, non pas prendre la première voie s’offrant à lui, ni la deuxième, non pas poser les yeux sur une horloge sur le mur de la salle de diner, retourner là-bas tout de suite, non pas attendre le jour de ce retour, non pas même préparer le jour de ce retour, non pas laisser venir le bon moment, non pas reprendre minute par minute l’enchainement des gestes des paroles, des actes, les siens et ceux des autres jusqu’à ce qui l’ amener ici, avec ces choix, avec ces voix encore irrésolues, non plonger dans le mystère de son incarnation, non rire, ni rêver, à d’antiques portiques donnant sur deux mondes, à d’étranges géographies, à des bras de mer entrant sur les terre désertes, à plusieurs monuments, sans mouvements, comme des monuments de l’âme étendant leurs bras de pierres et cherchant à s’envoler, découvrant la marche, prenant un élan et parcourir en songes les mers rejointes par les fleuves, géographie des glaciers, percée de tonne de limon cherchant à le recouvrir, monstre de pierre maintenant agité éveillé presque humain, éveil de la terre dont il est fait. Non pas contempler, mais marcher en avant, sortir de la glaise, devenir colonne, devenir le temps. Temps des frégates mouillant à son large, immobiles, attendant un soleil de nacre, attendant que d’autres visions cardinales l’éveillent encore plus. Colosse de sel, terre et écorce, informe magma, irruption du dedans de son être de lave prenant sur la lagune, sculptant des monts, des digues, des arches, des ponts, anticipant les passages, qu’on viendrait redécouvrir plus tard, anticipant les déclivités, les crevasses, les vallées, les changements de niveaux, les falaises, anticipant le gré, le marbre, le schiste, le quartz et le granite. Conscience qui sera rejointe par la flore, semée par les vents encore indéfinis, encore en un seul vent, le vent des origines avant qu’il ne se partage en 4 directions, quand le vent n’était qu’un souffle, avant même que les directions n’affichent les pôles, anticipant aussi les sons à venir, les mélodies sans nom du craquement des glaces, du pied foulant les aiguilles de pins, des craquements des feuilles, premier langage du monde, un son sourd et grave remontant des entrailles, animal-homme en déplacement, dans ce bruit sourd. Non pas reprendre conscience la main agitée pour un geste bras tendu vers un verre, pour saisir un peu d’eau, alors qu’on dirait qu’une fièvre l’envahit, non pas attendre qu’un médecin arrive sur le seuil, ou qu’il cherche à appeler l’usine pour annoncer qu’il ne viendra pas non, qu’encore une fois, il ne sera pas là lui non plus. Non pas dire bonjour à celui qui attend là-bas adossé au mur de l’usine, non pas repérer le bus bondé et prendre sa place. Non pas descendre ce matin dans la salle du petit déjeuner