#L11 | La poussière et la soupente

Non pas une histoire mais plusieurs.
Non pas un lieu mais plusieurs.
Non pas un élément mais plusieurs.
Non pas un corps, mais morceaux, bribes, entrelacs.
Non pas l’unité mais le filament.
Non pas la pensée mais la pesanteur de l’air et des courants d’air chaud et des courants d’air froid.
Non pas la langue mais l’intention.
Non pas le mouvement mais la poussée.
Non pas la route mais la sente.
Non pas le ciel mais le sol.
Non pas l’espace, ouvert, aérien, lumineux mais la poussière et la soupente.
Non pas l’aboutissement mais l’attente.
Non pas l’errance mais le cheminement.
Non pas la mort mais l’ardeur.
Non pas la pensée mais la peau.
Non pas la complexité mais l’évidence.
Non pas la mesure mais l’enfance.
Non ne pas… Ne pas s’arrêter, mais pourtant trancher. Ne pas multiplier les points, mais pourtant, suspendre. Ne pas s’égarer, plutôt errer. Ne pas s’égarer, plutôt tourner, en spirale inversée, vers un centre. Non, ne pas s’orienter vers un centre. Ne pas tracer de parallèles. Ne pas résoudre les contradictions. Ne pas se répéter. Plutôt ressasser, radoter, puis s’échapper. Non, ne jamais s’échapper. Se poser comme une araignée d’eau, sur une surface étirée d’infimes variations. Non, ne pas filer la métaphore, non, ne pas y rester collée. Non ne jamais s’échapper, tourner en rond oui, non, tourner en rond ? Ne pas s’égarer, plutôt tourner, tourner en rond autour d’une trace, une trace blanche, lumineuse, radioactive. Ne pas bâtir avec trop d’ardeur. Non, ne pas s’enduire de langue tiède et gluante comme une salive trop sucrée. Ne pas refuser l’astringence, ne pas refuser le tanin, ne pas se gratter, non ne pas se gratter quand ça gratte et laisser filer, creuser, racler la démangeaison. Non, ne pas s’engluer, ne pas épouser le lyrisme, ne pas nager avec aisance, ne pas barboter non plus, ne pas mettre ses chaussons en entrant, ne pas passer l’aspirateur sur le tapis, ne pas enlever la poussière, ne pas nettoyer la crasse, ne pas aérer pour l’odeur, ne pas jeter la fleur qui fane, ne pas dormir, ne pas attendre, ne pas fermer la fenêtre lorsqu’il pleut, ne pas mettre un toit sur les murs, ne pas réparer la fuite au plafond, ne pas colmater les brèches, ne pas s’arrêter, ne pas s’égarer, ne pas s’émouvoir, ne pas s’épancher, fuir comme un vieux tuyau oui, ne pas s’épancher, goutter. Ne pas abuser des virgules non plus. Ne pas refuser la ponctuation. Ne pas attendre le petit bonhomme vert. Ne pas attendre même le passage piéton. Non, ne pas se poser trop de question. Ne pas situer l’action ni dans le temps ni dans l’espace. Non ne pas refuser, ne pas nier, ne pas contredire, mais ne pas être à une contradiction près, ne pas s’offusquer, ne pas réussir, ne pas achever, ne pas minimiser, ne pas grandir non plus, rester petit, rester tapi, ne pas fuir la maladresse, ne pas lisser le rugueux, ne pas ranger, ne pas trier, ne pas contenir, ne pas consoler, ne pas réparer, rafistoler avec les moyens du bord et les mots du jour, ne pas rejeter, ne pas chasser, accueillir, laisser au chaud, laisser au tiède, laisser à température ambiante.

Réserver.

A propos de Marion T.

Après tout : et pourquoi pas ?

Un commentaire à propos de “#L11 | La poussière et la soupente”

  1. J’aime cette liste des ne pas faire ou faire ou dire ou pas dire – Tous ces ne pas que l’on se dit ou que l’on ne se dit pas – Tous ces ne pas que l’on aime à transcender, pour le plaisir de ne pas s’obéir !