Non pas de ce salon où tu me tires par ta voix, alors que je veux aller ailleurs, à la cuisine, mais non, tu as raison sur moi, tu me traines et je te suis comme du bétail, non pas de ce dressage, non pas de cette éducation encombrante, de ces comprimés, antidépresseurs, anxiolytiques, antiacides, de toutes ces boites de médicaments, non pas de ce jus de citron le matin, de ces invités le soir, de ces dîners avec les nappes brodées et repassées, de ces conversations de salon, de ces questions tranchantes, de ces cigarettes qui aspirent l’air jusqu’à ce qu’il n’ait plus d’air et que les pores de ma peau se referment, non pas de ces cendres, ni de ces cendriers débordants de mégots, de ces questions au couteau que je ne sais plus quoi faire, quoi en faire, que je ne sais plus comment respirer, où aller, mon corps ne connaît plus les gestes pour se lever de ce fauteuil, pour fuir de ce divan sous la lumière tamisée de l’abat-jour, mes pensées s’arrêtent, je rentre en apnée et tu arraches ma peau, mes muscles se pétrifient et je reste là pétrifiée devant toi, sans mots et sans réponses, sans respirer, tu t’abats sur moi et maintenant que je suis coupée en morceau, corps de vache devenue morceau de boeuf pendu au crochet en métal scintillant, et que je reste là, suspendue devant toi qui ne me regardes pas, qui ne m’écoutes pas et pourtant tu continues à me fixer et à me poser des questions, l’une après l’autre, rafale de coups d’un kalachnikov dans la lumière douce du salon sur un corps abattu, morceau de viande pendue comme un lustre au crochet du plafond de notre maison-abattoir je ne me bats plus avec tes questions tranchantes, je reste là, sventrata, dissanguata, sans antidépresseurs et sans anxiolytiques, mes pensées transies, et je suis là, suspendue au crochet de notre salon-chambre froide, sans réponses et sans mots, éviscérée, sans rien à te dire et sans que tu ne t’aperçoives de rien, de mon cœur, de mon foie, de ma rate, de mon palais, de mes oreilles, de tous mes organes qui sortent de mon corps abattu, ces abats qui envahissent le sol du salon et puis tu te lèves satisfaite de notre conversation, tu te soulève vers le plafond et tu me dis que je vais bien.
Bonsoir Anna, che testo! che forza! anche se è molto violento… Le parallèle avec l’abattoir glace….A bientot!
Cara Sandrine,
si hai ragione è molto violento, mi sono spaventata io stessa! è questa sorpresa e forza che la scrittura porta con sé, quando meno te l’aspetti. Ti ringrazio per le tue parole. Oui je me suis effrayée moi-même aussi, c’est la force de l’écriture qui te surprend quant tu ne t’attend pas. A presto sui sentieri della scrittura!