La voilà à nouveau dans ce café qu’elle aime. Ambiance chaleureuse, feutrée, du calme, du rouge, du velours, odeur de café…elle sera tranquille pour réfléchir. C’est ce qu’elle pense, mais non. Elle n’est pas tranquille, elle s’en veut, elle est en colère contre lui, pour sa trahison, contre elle, pour n’avoir rien vu, rien compris. Pas sensible, pas consciente du délitement de leurs relations, laisser-aller, aveuglement, un rien d’indifférence…
Une vie à attendre. Depuis longtemps. Petit à petit, elle s’est laissée enfermer dans une vie étriquée, une vraie petite femme d’antan, aux soins du mari et c’est tout, elle attend ses initiatives, elle attend ses décisions, elle a glissé vers une dépendance molle, pourquoi avoir accepté, pourquoi cette soumission bizarre, inattendue, rien qui pouvait laisser entrevoir ce glissement, ce renoncement à une vie active, personnelle, à une famille, à des enfants….Elle était très amoureuse, c’est vrai, elle le voulait dans sa vie, a fait des concessions très tôt, pour lui faire plaisir, pour lui montrer son amour, pour ne pas contredire, discuter, disputer, argumenter en vain, était-il vraiment ce tyran qu’elle dessine à l’instant en ruminant, avait-il réellement cet envie de maîtriser, régenter, commander tout dans leur couple ?… Réfléchis un peu, sois sincère, tu trouvais peut-être plus facile de laisser courir, de t’adapter… au début c’était un plaisir, je pense comme toi, tout pareil, couple fusionnel, je t’aime…. et puis je me suis rendue compte que lui, mon Jules, faisait de toute façon ce qu’il voulait, comme il voulait, quand il voulait, il n’avait qu’une passion, sa musique, son groupe, ses instruments, moi , bon, oui, il me semblait que j’étais importante pour lui, présence aimante, pratique, utile, il appréciait, il le disait… elle fondait, négligeait son travail, sacrifiait ses amies, il ne lui demandait pas tant, se sentait attaché, ça aussi, il le lui disait, mais elle ne comprenait pas, comprenait pas pourquoi il se sentait entravé, on est ensemble, elle était toujours là, dans les parages, elle pensait que c’était comme ça qu’il fallait faire, et voilà qu’elle constate maintenant que ça n’a rien à voir avec ses rêves à lui…Sonia m’avait mis en garde, il part souvent, rentre tard, disparaît sans dire un mot, elle avait raison, il aurait fallu s’expliquer, mais la confiance, c’est un leurre ?… C’est vrai que je ne connaissais rien à la vie d’un couple, ma mère toujours seule, refus de se lier, mon père inexistant, jamais vu, jamais connu, enfance pas bien gaie, faut bien travailler à l’école, faut pas être en retard, faut bien se tenir, que diraient les autres, les gens autour de nous, les voisins, les professeurs, les amis, je n’en voyais pas autour d’elle, que des relations, mais pourquoi, elle ne parlait jamais de sa vie avant moi, une vie ailleurs, dans un pays voisin, elle ne racontait jamais rien, elle était raide, sèche, pas expansive, pas se faire remarquer, surtout pas se faire remarquer…une vie étriquée…en grandissant, j’ai bien fait la rebelle, arrêté l’école, fait des petits boulots, des voyages, Paris pour le français, Londres pour l’anglais, rien que du classique, rien de méchant, mais ça a fini en brouille avec ma mère…puis j’ai découvert la musique, le chant, envie de piano, pas possible, trop cher…pour finir, elle est tombée dans le jazz, dans le groupe des cinq, des amis, des répétitions, des concerts, et puis J…son idole, le musicien doué, applaudi, adoré, elle en est devenue folle, elle l’a eu, et tout ça pour finir trompée, trahie, elle est en colère…et puis, elle va faire quoi, maintenant ?
Pas pu me décider entre je/émotionnel, tu/amical, et elle /plus distancié…donc les trois mélangés…peut-être refaire trois textes?…