Je me suis enfermé quelques jours avec ces notes .et j’ai cherché à retracer son histoire, le fait qu’il et disparu, le fait que sa disparition ait éveillée les soupçons des autorités le fait que j’ai rencontré chacune des personnes qu’il a pu côtoyer, le fait que j’ai interrogé ces personnes assez longtemps que je les toutes revues plusieurs, le fait que l’enquête sur la mort du guss ait été bloquée et le dossier marqué sans suite, mais que l’usine ait été envahi des mois durant par les enquêteurs, les policiers etc..
Dans les documents, j’ai aussi retrouvé des photos, d’anciennes photos et des articles, des coupures de journaux sur l’un d’eux, une image m’arrête : elle représente des hommes courant dans une rue- certains armes à la main et le paysage était un champ de ruine. Il
et je suis frappé de constater comment je saisis alors par l’image une réalité qui se dessine par ses contours, que je pouvais saisir le mouvement des personnages par l’extérieur.
Je cherchais à articuler les moments de son existence et le lien entre sa disparition, le corps retrouvé. Dans les premiers temps où il était employé; il avait loué une chambre dans l’hôtel le plus proche, son séjour s’était rallongé, il était resté plusieurs mois. J’ai moi aussi vécu dans ce même hôtel et quasiment le même nombre de mois. Le bâtiment se trouvait dans la rue centrale avec une cour intérieure, quelques plantes. Il y avait d’autres locataires bien sûr. Ils étaient dans le même cas et attendaient ici de pouvoir se loger. Je passais le premier mois d’été à me questionner, à rêver. Je pris le temps de relire ces textes, et je tombe alors sur un texte en cours enregistré sur un support numérique.
«Tu arrives pour la première fois dans ce qui sera ton bureau, et tu as rendez-vous avec les différents responsables de ta désormais entreprise dont tu es le directeur adjoint. Ce matin tu es passé devant ce type qui attend devant la porte d’entrée, tu as dit bonjour à quelqu’un dans le hall qui avait le sourire agacé de celui qui sait déjà à quoi s’en tenir, tu l’as salué rapidement: tu ne t’es pas attardé, tu croise beaucoup de monde dans les couloirs.
Cet hôtel, tu croise du monde, arrivé ici tu sais tout: la vie du préfet, les usages des députés, qui dans cette ville a des ambitions politiques, qui n‘en a pas. Tu as peur, tu as peur de retourner dans l’engrenage, celui dont tu ne veux plus. Tu t’attardes sur l’architecture du lieu, et particulièrement sur la façon dont les plantes sont agencées dans la cour, tu te surprends avec un regard esthète, un regard esthète et végétal
Après tout, cet hôtel est un hôtel de transit,c ‘est comme cela que tu as rêvé les choses n’est-ce pas. Tu es entre deux consciences, tu es allongé sur ton lit, tu te demandes, tu penses aux équilibres, l’équilibre des choses, des strates.
Dehors, il attend, il attend comme ça depuis longtemps, il ne sait plus ce qu’il attend: 3 nuits consécutives de pluies, 3 passages du boss: entrée sortie entrée, il attend la quatrième sa sortie, lui sera le 5éme temps, il restera là toute la nuit. C’est lui qui verra le corps du guss sorti dans la nuit, c’est lui qui n’inquiètera personne, il a vu oui, 3 ombres chargés du corps du guss mettre le cadavre dans un le coffre d’une voiture et démarrer à 4 h.
……
Dans cet hôtel, tu relis les ouvrages que tu as écrit, tu prends le temps de tout relire, tu veux approfondir ta réflexion. Tu t’interroges, tu veux prendre des notes mais tu abandonnes cette idée.
Ta fenêtre donne sur une cour, c’est un peu sombre, les autres locataires passent temps en temps, les murs sont gris, ce jour-là de l’autre côté, une autre ours et un jardin, ensoleillé. 2 ou 3 marches,
….. Il relit des phrases, prises au hasard dans les magazines, chacune de ces phrases lui évoquent quelque chose, ces phrases, ces mots, pris un lui permettent de rentrer dans la matière, la matière de ce qu’il sent. Maintenant c’est une phrase entendue, dite par une passante qui le projette dans un monde de sensations mêlées au souvenir qui le relie à quelque chose qui l‘habite, quelque chose comme une histoire.
… Va-t-il passer à côté de son histoire?
Tu fermes les yeux, tu te laisses aller à l’engourdissement qui annonce le sommeil. Des vagues, des lambeau d’images t’assaillent, fabriqués du tissu de ta mémoire. Reviennent le son de ton enfance, masqués par d’autres images: tu luttes pour rester éveillé.au seuil de ta conscience, c’est le chaos.
Tu es au seuil. Tu penses pour voir ouvrir une porte, puis une autre mais le sens t’échappe. Tu attends que ce chaos se mettre en ordre de lui-même.
Voilà des heures que je suis plongé dans ces notes, il a laissé une description précise de son hôtel, de la rue où il vivait du quartier, des arbres qui bordaient l’avenue, chaque arbre avaient été mentionné avec une précision maniaque. Chaque arbre bruissait, chaque arbre vivait une existence faite de menus évènements qui pris globalement faisait de lui son être robuste milieu des autos, des parcs-mètres payant côtoyant les panneaux de signalisation de la ville indiquant les horaires de payement.
Tu ouvres un de tes livres, tu compares telle phrases avec l’un de tes rêves. Ces textes se sont-ils détachés de lui? Les lit-il avec ce regard étranger comme si quelqu’un d’autre les avait écrits? Quelqu’un d’autre, c’est peut-être cela celui qui demain ira prendre connaissance de ces dossiers à l’entreprise… Tu cherches des corrélations. Elle passe devant toi et aurait pu ne voir qu’une masse informe avachie dans le canapé d’un hôtel. Elle te voit. Dans sa chair, elle te voit: elle passe, demande sa clef à la réception. Tu t’éveille légèrement dérangé par un bruit de pas; tu n’as que le temps de percevoir une silhouette.
L’hôtel. Tu t’y sens bien. Tu n’habites nulle part. Cette étape tu es le seul passager. Tu es celui qui va mettre en scène des éléments de ta pie. Tu vas prendre la place du personnage tu vas écrire de son histoire tu as entre ouvert les yeux et tu as suivi discrètement du regard la femme qui vient de passer. Elle demande ses clefs au comptoir de la réception. Tu l’as aperçu dans la salle du déjeuner, elle est seule. Aujourd’hui tu la trouves belle.
Le quartier
Tu descends, tu te retrouves à l’arrêt du bus. Tu repères l’arrêt où tu devras attendre ta correspondance. Les trottoirs sont plats, il y a seulement quelques arbres qui ont survécu. Correspondance, idée de lettres il ne te vient pas à l’esprit de rédiger un journal. Idée de lui écrire. Hier tu as rêvé – c’est inscrit dans tes notes d’un bras mécaniques allant et venant dans le vide c’est le geste d’écrire qui manque à ton personnage c’est un sentiment d’incomplétude
Je l’ai vu le premier jour, je n’ai jamais su où il habitait, moi qui n’habites nulle part, il a tourné à gauche. Il m’a vu, il a marqué un temps, il m’a regardé
Il devient primitif justement au moment où il entre dans ce bureau, il ne sait rien encore de la place qu’il a à prendre, mais le boss lui explique tout: vous venez prendre la place du mort
Moi qui suis en bas, depuis si longtemps, je perçois ce qui se passe – l’obscurité engendre la clarté. Et tu es dans ce bureau éclairé au néon, en pleine clarté, t’apprêtant à rencontrer les ténèbres: qui engendre quoi? Tu te doutes que ce sont tes propres ténèbres que tu as choisi d’affronter en louant pour un temps indéterminé cette chambre d’hôtel où tu vas passer l’hiver.
Il se lève et marche dans les rues désertes du village, de l’île. Les ombres se profilent sur les façades dessinant une sorte de paysages: arcades, colonnes, porches éphémères. Une ville d’ombre redoublant des bâtiments anciens. Cette architecture s’effacera à la tombée du soleil sur l’ouest, les murs prendront la place de la clarté petite à petit, laissant les oiseaux reprendre le royaume. Il marchera jusqu’au soir, à la recherche d’un signe. les dalles résonnent encore d’un bruit étrange, la pierre porte les millions de pas reçus depuis longtemps recouvertes maintenant de poussière. Marchant ; il entend ses pas résonner dans sa colonne vertébrale. L’énergie contenue du jour vient se coucher, la terre et les pierres l’amène à la lisière de lui-même devant le seuil de l’auberge.
Je retrouvais ces notes et appris qu’il séjourna à plusieurs reprises dans cette ile, y travaillant pour une coopérative agricole.
elle ne comprend pas tout de suite d’où vient la lettre.
Il doit avoir de bonne raison pense-telle de laisser autant de mystère. Il doit avoir de bonnes raisons d’être parti, de ne plus vouloir se confronter ses pièces ?
Les ténèbres de l’île, les ténèbres de sa mémoire. Il est devant et dans l’obscurité. Un navire, une forme en sortirai issu du rêve.
Il retrouve cette bâtisse, une forme rectangulaire. Il doit avoir une bonne raison de lui écrire avant de lui parler
S’il écrit, ‘est qu’il déchiffre en même temps le palimpseste. Les caractères vont se sur- imprimer au reste de ces textes, vie comprise, qu’il abordera, lui semble-t-il d’un seul coup. Il se souvient d’anciens ouvrages, de ponts, de passerelles de barrages, ne menant nulle part, d’un bâtiment – il est hanté par cette image, d’une personne y habitant, y ayant toujours un but précis, allant et venant au grès des choses à faire, menues activités : bêcher, tracter, semer, rafistoler, cimenter, et peu de répit avant le lendemain. Les heures s’entassent sans aucune autre perspective que recommencer que se bagarrer contre l’envahissement des terrains, des plantes, des animaux, du sable, De temps à autre il lui semble qu’elle se penche ainsi sur une barrière imaginaire et de là de ce point de vue, contemple l’horizon des sables, des dunes et ainsi jusqu’à la fin. Que contemple-t-elle? A quoi songe –t-elle : au défilement des siècles? au retour du soldat de 14-18, son époux? l’homme rêvé, qui, qui sait, ne sera jamais revenu ici, chez elle. Que sait-elle du reste, elle ne voulut même pas savoir : son temps s’était peut-être arrêté le jour de sa disparition à lui. Ensuite, il n’y aura plus rien que le tintement d’une cloche, lui évoquant quelque part, de son Nord, de sa Côte d’Opale, où elle est née. Elle fera le choix du déni et finalement de l’amour pendant qu’elle recevait les lettres du front.