#L5 — Décalcomanie Expansion

Épuisée — Complètement bouleversée par le rythme — Elle ne comprend que le rythme — Il s’impose — D’abord dans sa moelle épinière — Après qui se répand — Un flot qui coule de manière irrégulière — Mais qui la prend — Toute entière — Lessivée — Complètement par terre dans sa tête — Dans des flaques en mouvement — Son trajet est le rythme — Depuis qu’elle a décidé — De façon impulsive — Rythmique — Contrainte tout de même — De quitter la grande ville — Quelle idée — Rejoindre cette bourgade — Qu’elle ne connaît pas — Où elle ne s’est jamais rendue — Prendre ce train — C’est le rythme — Ne pas réussir à dormir — C’est le flot qui l’a prise — La succession des petites et plus grandes gares — L’entraînement dans le flux strié — Segmenté — Qui la brinquebale — Qui la fatigue — Au plus haut — Au-delà de ses forces croit-elle — Les arrêts — Plus ou moins prolongés — Avec jamais aucune annonce — Elle est dans le dedans du rythme — Emportée par la longueur du temps — Elle comprend douloureusement — Elle ne comprend que ça — Hachée — Mais vers où aller — Un point sur une carte — Un nom — Vaguement familier — Qu’elle ne peut qu’à peine imaginer — Le rythme des cahots — De la voie de chemin de fer — C’est quoi son nom déjà — À ce gros bourg — Les dizaines de kilomètres sont le rythme — Le constituent — Avec toutes les autres choses — La fatigue par exemple — Qui s’abat peu à peu — Entre les chuintements intermittents — Les sifflements rocailleux du train — Et puis ces deux personnes — Elles sont montées il y a un moment — Assises en face d’elle — Juste en face à la regarder — Sans vouloir en avoir l’air — Leurs regards alternés sont le rythme — Sont part du rythme — Elle le déchiffre si mal — Elle l’éprouve si profond en elle — Sa conscience clignote — Sauts — De strate en strate — Avec le poids du corps — Qui pèse de plus en plus — La chaleur est le rythme — Degré après degré — La chaleur enfle et reflue — Elle est prise dans les mouvements de chaleur — Dans ce compartiment de train mal aéré — Le convoi ralentit — Coup de frein — Ça repart un peu — Ralentit de nouveau pour s’arrêter — C’est sa gare d’arrivée — Elle le sait — Elle a retrouvé le nom — Elle l’a déduit du nom de la gare précédente — Elle est sur le point d’arriver — Elle se lève — Ses os, ses tendons, ses articulations craquent en des petites figures rythmées — Rapides — Elle a mal — S’extraire du train — Se tenir sur le quai — Point d’orgue — Mettre un pas dans un pas — Une chaussure devant l’autre — Épuisée par le flot de son trajet — Chercher l’escalier de la sortie — Elle se plie au rythme des marches — Degré après degré — La bandoulière de son sac lui scie l’épaule — Il fait aussi chaud dans la gare — Fourbue par ce voyage en train interminable — Des heures sont passées — Ont tout remué en tous sens — Abasourdie — Elle arrive sur l’esplanade — Endolorie — Mettre un pied encore devant l’autre — Enfiler une rue — Elle se glisse au hasard — Vers le centre du bourg — La grande ville est bien éloignée maintenant — Son mauvais sommeil — Elle a mal partout — Surtout au dos et aux pieds — Épuisée dans ce nouveau lieu — Ses pas — Au rythme traînant — Cassé — Le raclement sec de ses chaussures — À la tombée chaude du jour — La terre battue par endroits — Elle débouche sur la place — Une posture de fatigue — Point d’orgue — Au croisement de la rue — Elle se découvre voyageuse éreintée — Jamais jusqu’à présent elle n’a vraiment quitté la ville

A propos de Fil Berger

Fil Berger, je, donc, compose les textes qu’il écrit avec des artefacts sonores et graphiques et ses pièces musicales avec des artefacts d’écriture et graphiques. Le tout cherche, donc, une manière d’alchimie modeste située entre ces disciplines. Il a publié des livres d’artiste avec le plasticien Joël Leick chez Æncrages et Dumerchez. Quelques revues comme Paysages écrits, Traction Brabant ont retenu des textes. Il a travaillé et composé des pièces musicales documentées sur CD. Il a partagé pendant plus de vingt ans des moments de création avec des chorégraphes, des plasticiens, des auteurs, des improvisateurs et des compositeurs. Il a animé des ateliers d’écriture et de partitions graphiques avec des personnes de toutes sortes. Fil Berger, je, donc, est un improvisateur qui compose et performe en forgeant ses propres outils, ses champs lexicaux, ses instruments, sa présence au monde en les mettant sans cesse en variation continue. Son travail est la recherche de convergences multiples entre... l’idée et la pratique du « baroque » et... la pratique et l’idée de l’insurrection « œuvrière » autonome.

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