Patience. C’est à peine une phrase. Il existe un nom en grammaire. Phrase nominale. Enferme en un seul mot tout un déroulement une avancée. Ce qui se déploie d’ordinaire dans un mouvement de segmentation- rassemblement , permettant de distinguer ce dont on parle et ce que l’on en dit peut donc être compris, ramassé en un mot. Comme si un instant la prose cessait sa reptation pour procéder par éclats successifs. Patience. Je me souviens que j’avais hésité , la phrase étant ambigüe quant à sa place dans le texte. On pouvait la lire comme une exhortation adressée au lecteur, alors que ce n’était pas cela. Il s’agissait simplement pour la narratrice de dire qu’elle avait appris la patience par la pratique de la couture. En réalité Patience était son nom secret dans ma tête et dans mon cahier, mais je m’étais dit que décemment je ne pouvais pas la nommer ainsi. Laissons donc tomber la décence ou ce que je prenais pour telle. Patience pour moi côtoie Félicité, le personnage de Flaubert. Elle est à la fois dans l’action quotidienne, un pas après l’autre, un point après l’autre et dans une attente intime déraisonnable de l’heure où l’on pourra enfin être uni à un être aimé, à tous les êtres aimés, quels qu’ils soient et où qu’ils se trouvent. et cela malgré les rires du lourdaud qui se croit instruit parce qu’il sait montrer Cuba sur une carte. Ecrire Patience , en faire une phrase, consistait donc à doter mon récit d’une source active et cachée, qui aurait perdu de sa force si j’en avais déployé les échos à ce moment là de l’histoire. Y revenir alors que le texte a avancé permet au contraire de le lire mieux , de le laisser grandir peut- être en libérant un de ces rameaux.
Bonjour Roselyne. J’aime beaucoup votre analyse fine de la phrase nominale comme source ou comme graine, de son activité souterraine. Cette Patience est une puissance.
Merci beaucoup Christophe pour votre lecture et votre commentaire.