Et maintenant un pays se déploie , non pas le vert gonflé de pluie le vert dilué prenant tout le regard guidant le promeneur vers la préhistoire grâce au mouvement des fougères mais une route aride un bout de monde sec comme surgi de google earth dans sa banalité sa ressemblance avec les endroits traversés, noms encadrés de rouge à l’entrée du village, barrés de noir- plus tard plus loin- d’un trait allant d’un angle à l’autre du panneau . Non pas forêts d’enfance et prés à dévaler corps en désordre abandonnés aux rires, mais petits arbres usés , voix , disputes autour de l’écobuage , des particules fines et du risque de feu
Et lui réduit à ce qu’en dit le cercle, la famille, elle aussi inventée tenant à lui comme une pellicule. Non pas libre d’aller dénouer les vieux fils, un peu Perceval un peu Don Quichotte mais quadragénaire sans femme, sans vrai métier, marchant vers sa lubie son carnet à la main, pas fichu d’avoir réussi un concours alors que oui il dessine plutôt bien, a reçu ce don attraper au vol les mouvements même brefs, les visages. Parti seul au pays quand tout le monde rentre, quand le moment vient des cartables, des achats , des visites chez le coiffeur , chez le docteur, tous rites d’entrée par l’automne dans l’année nouvelle, la vraie, pas celle des mythes chrétiens ou des célébrations des rythmes de la Terre. Parti non pas au désert là où on cherche un sens mais en arrière dans les pas salis les ornières de ceux d’avant. Parti soulever les toits des maisons , de ces fermes enfermées sur leurs pauvres échos , violences permises, loyauté du clan, secrets de polichinelle dont peu importe qu’un enfant ici et là garde trace, ou qu’une fugitive en soit sortie. Parti apprendre ce patois parti l’anoblir , rejoindre ces concerts de chanteurs régionaux dont le public reprend en chœur des refrains vieux comme les banquets de famille. Dans l’une d’elle une jeune fille regrette que son fiancé s’en aille pour la guerre et lui préfère bientôt les Italiennes qui sont bien plus belles que moi. Il y a bien une histoire de belle ,une que l’on dit laide , brutalisée au-delà des coups, baffée jusqu’à ce que s’éveille sa vraie laideur celle de la colère et que cette fureur reste un peu en suspens. Non pas histoire de secret mais d’exhibition aveuglante retour sur images surexposées. Non pas récit d’une élucidation mais retour armé vers la rage. Lui donner place dans un récit qui ne trahirait pas.
Codicille – Avec cette proposition, j’ai d’abord touché à quelque chose qui pourrait être l’envers du récit qui s’élabore dans mon PDF puis vers la fin à ce que Jean Paul Goux appelle la pulsion qui précède et motive l’écriture de fiction. Peut être ce que François appelle la nuit de notre texte, puisque il s’agit de ce que l’on n’a pas mis en image et qui est là, qui pousse vers l’avant.
Appeler la nuit, l’envers, l’inversé, le négatif afin de mieux définir là où on se trouve, là où on pioche
J’aime ce texte dans sa fluidité, dans sa difficulté aussi à se départir du récit lui-même : non pas, mais… oui bien sûr on a envie de continuer à dire ce qui est !
Merci Françoise pour ce commentaire, un appui de plus.
Beau texte qui m’a touchée sans que je sache expliquer pourquoi… et codicille très intéressant
Merci Muriel d’avoir pris le temps de laisser ce commentaire. Savoir que le texte a ému aide à avancer.