Coup d’œil jeté à la pendule s’assurer de n’avoir rien oublié de toute façon ce n’est pas perdu valise casée sur le siège arrière vous partez en avance pas besoin de vous précipiter prenez votre temps sur la route paisible monotone bordée de champs brûlés par le soleil traversez une forêt de sapins repensez à ces journées passées ensemble ces sorties partagées en famille instants de vie fugaces éphémères vous souvenez chacune en dedans n’échangez plus que quelques banalités pour meubler le silence évoquez le temps qu’il fait –c’est toujours mieux du beau temps pour se quitter– bilan du séjour en quatre mots c’était très bien programme des jours à venir date d’une future rencontre tout cela dans la perspective d’assurer une continuité un après prolonger le partage le plaisir d’être réunies atténuer ainsi la peine de la séparation imminente anticiper l’absence le vide le manque parlez peu les yeux rivés sur la chaussée les minutes qui s’écoulent qui s’épuisent comme la conversation calculez le temps qui reste ne se rattrape pas ces paroles futiles qui ne se diront plus jusqu’à la fois prochaine arrivée à la gare sans accroc sans obstacle cette fois-ci le car est déjà là se garer extraire la valise du coffre la faire rouler sur le bitume la glisser dans la soute à bagages encore vide et béante donner son billet à tamponner par un chauffeur taiseux et taciturne si peu aimable ne sait-il donc pas lui qui est pourtant aux premières loges tous les jours témoin de ces étreintes prolongées de ces émois discrets singuliers ne voit-il pas la détresse des corps qui se défont ou bien s’en protège-t-il ainsi par si peu d’empathie elle redescend les marches de l’autocar bon, ben voilà on y est rapprochement de vos deux visages vous serrez dans les bras échangez des mots simples des mots remplis d’amour d’espoir d’assurance que ça se répète encore au plus vite au plus tôt elle remonte les trois marches tu la devines cherchant une place dans le long véhicule s’y installant et toi toi tu rejoins ton auto en démarre le moteur dépasse le car rouge flamboyant au ralenti tente un ultime regard vers elle un dernier signe de la main pour personne la vitre est teintée tu ne vois rien ne la vois plus et repars seule à nouveau.