Dépasser le pouvoir et la vengeance pour trouver la puissance.
J’ai un peu de pouvoir des mots. J’ai envie de vengeance. Il ne me reste plus qu’à les dépasser pour trouver la puissance. Dans l’acceptation de mes limites perceptives, celles que je décris aux Zautres si souvent. Je crie, je hurle, je soupire. Suis-je seulement capable de me parler simplement ?
Je comprends que j’ai longtemps eu la sensation de ne pas être écoutée, vue, et pourtant si. Mais les oreilles se fermaient, les yeux se tournaient. Et je m’enfermais dans le silence. Un silence assourdissant comme on dit. Alors dès qu’on m’a un peu donné la parole, j’ai hurlé. Je le comprends. Je le comprends.
Cela fait des années maintenant que je hurle. Et ce que je hurle est devenu inaudible, même ou surtout pour moi. Je ne sais plus ce que je hurle, je ne suis même pas sûre de l’avoir su un jour.
Il y a une petite satisfaction quand je trouve la bonne phrase en face d’un Zautre venu de je-ne-sais-où plaquer ses illusions sur la maigre perception qu’il pouvait se faire de moi, ici ou là. La bonne phrase, c’est celle qui fait mal, à l’intérieur. Celle qui fissure l’illusoire bulle de protection que certains appellent « savoir ». Faire ou être, peu importe finalement.
« -Bonjour, il y aurait de la place pour deux ?
-Bonjour, nous arrêtons le service à 19h00, désolée.
-Ah…et juste pour boire un verre ?
-encore moins !!! «
Là. Elle m’a fait un bien fou sur le moment cette petite phrase. Pas besoin d’utiliser quelques vulgarités, ou autre formules d’alambiques. Il se trouve qu’ils étaient à vélo, sur le trottoir étroit, un soir, il était près de 20h00. Donc sur un trottoir non-prévu pour circuler dessus autrement qu’à pied, il fait moins d’un mètre de large, ils étaient appuyés sur le mur en moëllon, archivés bâtiments de France, mais bon quand on est docteur en neurosciences en vacances, qu’est-ce-qu’on s’en fout après tout, et malgré le fait que je leur avais déjà signifié de manière claire et distincte qu’on ne prenait plus de clients, ils insistent quand même un peu, okazou je n’ai pas bien compris, avec mon petit cerveau de serveuse, qu’ils étaient gentils, en vacances et qu’ils avaient bien le droit de faire ce qu’ils voulaient quand même…
En prononçant cette phrase, j’ai légèrement souri. Ce sourire que je détestais voir sur le visage de mon frère et qui nous fait passer pour des jumeaux d’à peine quatre ans d’écart. En me retournant, j’ai vu les clients de la table Verte sourire aussi, mais le visage tourné vers la terre, comme pour s’en cacher. C’est que, eux, ils étaient assis sur la terrasse. Ils n’avaient pas envie de me défier, forcément j’avais le sourire carnassier. J’aurais pu bouffer un peu n’importe quoi, j’avais faim. Et la confiance.
Il lui aura fallu 20 minutes à peine au docteur pour s’emparer du téléphone et aller balancer une petite phrase aussi, mais à l’abri, sur internet. « Accueil très désagréable. »
Alors quoi ?
A quoi bon ? disait une aquoiboniste de passage.
Et qu’est-ce-qu’un « « « accueil très désagréable » » », à la base ?
Je ne l’ai pas accueilli, au contraire. Au mieux, il aurait pu mettre « personne très désagréable « . C’eut été plus juste.
Alors quoi ?
A quoi bon ?
J’ai la chance de travailler dans un merveilleux endroit, avec une personne merveilleuse.
Alors quoi ?
A quoi bon ?
Une seule phrase peut mettre en péril un livre entier. Ça, je le sais bien. Une seule phrase peut mettre en péril une vie entière. Ça, je le sais encore mieux. Une seule phrase.
Une seule phrase. Au bon moment.
ça ne va pas du tout, ces dénonciations Google. c’est vraiment tordu. et quand je pense que moi-même je fais attention aux commentaires des gens…
si problème il y a, ce n’est jamais l’outil, mais celui qui s’en sert ou s’en dessert. Surtout aujourdh’hui.
Blanche a eu tout de suite la bonne réaction, elle ne s’en est jamais occupé en 15 ans. Et les clients trouvent quand même le chemin du restaurant.
Ben oui mais toujours d’accord pour octobre ? Nous serons là.
n’arrive pas en retard, même en vélo
Ah…une connaisseuse?
Pas de sushis…je vais m’atteler à raconter d’Zautres Zhistoires…
à huit heures du soir on ne dit plus « bonjour » – Blanche a raison : rien à foutre de ce virtuel de merde – bon courage pour le service…
des cyclistes quand même …
Un Môssieur, d’un certain âge, d’une certaine transpiration par les quelques trente et quelques degrés qu’il faisait ce jour-là, s’est présenté à la porte ouverte, egzaktement dans entrebâillement dira-t-on, sacoche de près d’un mètre sous le bras, jambes zécartées comme il se doit okazou nous n’aurions pas compris « qu’il en avait », puis a déclaré d’un ton sonore:
« Il paraît qu’on aime pas les cyclistes ici!!! »
Y avait-il d’autres personnes en train de finir tranquillement leur repas? Oui, mais cela ne faisait qu’un peu plus de public au Môssieur, après tout il était là « pour nous en donner une bonne! ».
J’étais zalors au fin fonds de la plonge, en train de laver les assiettes des deux services précédents, après avoir passé deux heures à préparer les dits services, non sans avoir un peu avant préparé les desserts de la journée et servis les petits-déjeuners du jour, bref, ça devait être à peu près au bout de 6 heures de travail, à peu près vers les 14h00 je dirais, à vue de pif…
Je répondis de ma position, parce qu’il fallait bien que je continue à travailler, nan mais quand même:
« Peu importe le véhicule Môssieur, c’est une question d’attitude!!! »
J’aurais bien aimé continuer cette petite discussion, hélas Blanche m’interrompit et me dit qu’elle allait « s’en charger ».
Puis j’ai débarrassé les tables, refait des pommes et des poivrons, des desserts aussi, assuré le troisième service pendant que Môssieur se délectait d’un boudin noir pommes chèvre. J’étais zalors tellement crevée que ça m’a pas mal aidé à ne pas m’en occuper.
Jusqu’à ce que…alors que j’avais entre les mains l’équivalent de deux tables de vaisselle sale, deux nappes sales, et que j’essayais comme je pouvais d’acceuillir les nouveaux clients tout en pensant à comment j’allais remplir le frigo et éplucher les pommes en même temps, Îl, le Môssieur, me secoue un billet de 50 euros sous le nez que j’avais à sa hauteur puisque j’avais failli me gauffrer.
J’ai pris son billet en le regardant de mon meilleur regard de poisson rouge dans les yeux et je l’ai donné à Blanche en lui disant: « là, j’en peux plus, encaisse moi ça. »
Oui, j’ pourrais mieux parler à Blanche pendant tout ça, c’est peut être même la seule leçon à retenir en fin de compte…mais écoutez la suite…
Blanche s’en occupe, gentiment, gentiment…et vlà le Môssieur, au moment de regarder le ticket d’encaissement: « Mais, en plus c’est pas cher!!! »
Je n’ai pas retenu les paroles de Blanche, et comme chaque fois, je m’en veux. Parce que la vraie leçon, c’est elle qui me la donne, tous les jours. Je ne dis pas qu’elle est parfaite, mais qu’est ce qu’elle est douée…
Alors que ce soit en vélo, en moto, en voiture, à pied, en vélociraptor…méfiez-vous. Peu importe le moyen de locomotion, Blanche ne peut pas être partout et sauver tout le monde.
Il m’en restera toujours un ou deux à croquer…et j’ai une dalle…d’enfer!