Je, arrêté dans sa course pour échapper à Homme fer par la roche verticale. Dieux inhospitaliers, où trouver le chemin ! Puis Je, gesticulant plusieurs formules respiratoires afin d’apaiser sa cage thoracique et parvenir à une action efficace. Puis, vite, s’agrippant à la paroi verticale et lisse. Un bras et la jambe opposée, main pied tâtonnant pour trouver des fissures invisibles à l’œil nu. Pas de panique. Les extrémités dénudées des orteils et doigts acérés s’allongent naturellement, métamorphose animal résultant du mixte montée d’adrénaline survoltage déraison. Derrière, dans le dos, Terre battue tremble. L’autre, Homme fer par-dessus et pas loin et le Je qui redouble d’énergie. Trois mètres de franchis !
Homme fer danse sur lui-même sûr de lui. Ça l’amuse, un peu d’exercice, mais s’attendait tout de même pas à une fuite du Je. Qu’il croyait solidement arrimé à disposition. Paradoxal. Faut tout réexaminer avec soin. Quelle fatigue ! Soumission rébellion peint par cet imbécile sur la muraille qui le retenait prisonnier depuis … depuis le contournement des quarante dernières années sous gratte-cieux et sous terre et tout est devenu liquide. On voit les eaux se répandre de partout avec les histoires horribles des enfants maltraités laissés pour compte et répondent à ce long chant de supplique les grimaces sur vidéo techno inaudible des gosses de riches qui ne savent pas voudraient bien mais ne peuvent pas. Mauvais éducation. Par une fenêtre fermée (elles le sont toutes cause Air suffoquant et blême) sur pleine mégalopole en verre nickel dévoré d’écrans, on voit sur l’un d’eux la Minaudière ridicule en râpeuse de biblio se confondre avec le savoir lentement emmagasiné pour se coller au dessus de la mêlée. Mais bordel ! On fait comment clame vulgairement Animal irisé aux oreilles sourdes d’Homme fer qui poursuit sa vieille route, exactement comme si de rien n’était, il faut le noter. Tu, fidèle à lui-même, abandonné de ses supérieurs et figé dans sa mission intemporelle le notes bien, qui prend des notes depuis sa base, attentif à tout produit de fin de civilisation ; c’est son boulot. Archiviste. Remplace les reporters de guerre tous atomisés. Tu es là depuis toujours (avec l’exagération inhérente à la perception systématiquement erronée des faits), visionne les vidéos même masquées avec un savoir gonflé surpassant la disruption normalisée. On croit rêver. Mais heureusement peu le savent. Ça ferait un sacré scandale à pia pia inoffensifs par-dessus ceux existant déjà. Plus aucune vraie connaissance, pense la Minaudière, la tête enfoncée dans ses grimoires et son incapacité à publier son savoir.
Animal irisé surgissant de nulle part sur la vidéo sélectionnée par Tu et s’adressant à Homme fer tout en cavalant : tu fais quoi pourquoi tu as quitté les lieux ?
Homme fer : partis pris stupide de mon Je à disposition originairement bien dressé ventre pattes écartées mais je te parle pas à toi.
Animal irisé : moi te parle. Faut bien trouver à rassembler toutes les forces anti et pour en vue du grand sauvetage universel et toi tu frétilles sur des opérations scandaleusement perso ! Tu mériterais que moi l’animal doux seul restant te dénonce comme réac provoc au groupuscule local Terre battue tu verrais s’il te laisse poursuivre ! Moi je dis laisse partir le Je qui sera bien plus utile ailleurs on a besoin ici même de ton sens pratique ex Monsieur l’ingénieur bien informé qui s’y croit ! Mais tous infectés de particules de vermines humaines échangées les unes contre les autres ma parole que tu refuseras d’entendre (Cette dernière interjection est une insulte télépathique ayant cours en ces temps tech. Nota bene expressément destiné à l’attention de Tu doigts des notes) !
Homme fer bougonnant en aparté à l’intérieur de sa boîte métal : eu du mal à ingurgiter l’idée des animaux parlant pensant notre égal mais en plus maintenant ils savent tout sur tout le monde ! Bon, dégage, y’a mon Je soumis qui gagne du terrain pendant que tu m’en fais perdre. T’as beau être beau même à mes yeux d’admirable critique d’art pour l’art, mon gagne cailloux depuis la grande perdition, il faut bien le dire, je suis présentement à autre chose affaire pressante.
Et d’une bourrade, Homme fer envoya promener Animal irisé qui rebondit deux fois sur Terre battue avant de.
Terre battue : Aïe, Ouille !
Tu : je note je note se frottant les doigts pour la dextérité garder.
Terre battue : salut
Animal irisé : salut
Terre battue : tu as quelque chose à me demander ? A m’apprendre ? A me prendre ? De plus que nos accords ancestraux et misérables d’avant l’archi-révolution des peuples évolués voleurs tueurs les uns des autres comme je vous ai tué ?
Animal irisé, se tournant et se retournant dans la surface argileuse de Terre battue pour en profiter un maximum, profite, disaient dans l’ancien temps les riches qui nous ont tous foutu dedans : non, rien salut, juste me remettre d’une chute provoquée me bercer dans tes grands bras voluptueux dans ta bouillasse paradisiaque quand bien même archi polluée que je devine sous ton revêtement.
Terre battue : merci.
Et pendant que Minaudière réfléchit posément à son sort, qu’Animal irisé se roule comme lui dicte sa mémoire collective dans Terre battue par l’odeur alléché de troisième zone de charognes livrées aux vers vainqueurs, que Tu obéis à sa voix intérieure de travailleur survivant pour la gloire et/ou par habitude, qu’Homme fer nie la sainte évidence comme à l’accoutumé, que Je persévère dans son être à escalader la muraille, métamorphosé en insecte, grimpant frôlant la mort à chaque mètre pris à l’adversité dans la traversée d’Air suffoquant et blême (demeuré le symbole des survivalistes ayant franchi les frontières de la lumière nuit des temps), Il se passe un petit rien, de sa main droite à sa main gauche, geste mimétique, revient à son point de départ qu’on appelait maison (Il le sait, a étudié l’anthropologie dans son jeune temps, conspué par ses pauvres parents car s’affichant sans le sou et rentrant chez lui seul tous les soirs, matins soirs imaginés et maudits à nouveau par les nouveaux dieux, le temps ayant fait son renversement roulé boulé par pirouette inverse de l’univers entièrement fini d’un côté).
Il se sent seul. Tant de Je des Hommes fer abrégés de tous horizons blafards ont été balayés, exterminés par la grande catastrophe. Quelques uns résistent encore heureusement, dans l’étude renouvelé de la conception philosophique du grand bonheur pris par surprise et isolément. Mais Il a le mauvais pli. Il faut bien le dire. Il a beau se dire tout est moche et le bonheur c’est allumé éteint, Il en revient toujours au même geste mimétique en avançant de son rien. Un petit rien passé d’une main à l’autre de souvenir alambiqué chimiquement transformé dans ses paumes en accessoire indispensable de visions fulgurantes et rares et c’est tout. Il se dit qu’il pourrait écrire son histoire s’il faisait l’effort de se souvenir de l’oubli mais il n’y aurait pas grand-chose à en dire surtout depuis l’implosion de son propre Je. Non après tout, Il se sent pas mal comme ça, avec ses allers-retours impondérables de chez lui à son ex lieu de travail sans rencontrer âme qui vive mais débarrassé de son masque à’Air suffocant et blême devenu en quelque sorte son ami, raison de sa longévité. Il déambule comme seul figurant de ville contaminée, ignorant l’existence de Minaudière avec laquelle il se serait entendu sur un certain nombre de mots, voir de concepts. Mais ne résidant si l’on peut dire nullement dans le même quartier. Il se promet néanmoins. Espère. Se parle tout seul. Balbutie tout bas en ne cessant de marcher. Son va et vient auquel il faudrait mettre un terme. Comme la pensée qui lui glisse entre les doigts. Les doigts battant la mesure d’une main à l’autre du petit rien qui passe et repasse. Les travaux et les jours tant bien que mal tous différents, c’est-à-dire tous pareils. Jusqu’à plus souffle. Il se tait. Fait silence. Caresse. La peau des jours arrête de marcher. Arrête. Air suffocant et blême le prenant à l’instant dans le creux de ses grands bras. Terre battue jusque dans ses entrailles le recevant dessus son sol tout doux. Tu qui note laconique la fin d’Il, dernier aventureux avec Je résistant par-dessus sa muraille, pleine face araignée grotesque. Tu, qui pourrait n’avoir de cesse de mettre ce monde en contact. Réactiver. Pas son job.
Envoutée par ces sublimes rejetons de la dissolution du je et leurs inénarrables dialogues intérieurs. Profondeur et drôlerie enchevêtrées dans une belle langue étonnante. Merci merci Cat Lesaffre pour ce pur moment de plaisir.
Je suis très heureuse de votre réponse à mon commentaire, Cat. En revanche, je l’ai reçue par mail mais elle ne s’est pas affichée sur WP (deuxième occurrence de ce pb technique). .. C’est une belle réponse qui mériterait d’être partagée (c’est mon avis) 🙂
Désolée Déneb, cela s’est fait dans un mouvement spontané. La poésie dont je parlais et qui me tient à coeur, j’essaye de l’exprimer dans le dictionnaire 11 à venir (difficilement) avec plus de références littéraires que de lieux virgule clairement exprimés. Je travaille dans le ce qui ne se conçoit pas clairement ne s’énonce pas clairement. Ce qui en fait un art de vivre impossible. Mais voilà ti pas que le virtuel se fraye un chemin dans le réel avec vous autres !
Quels combats bien mis en scène!! On se régale des frictions de ces bouts de soi….
Oui merci Marie, le combat de la vie sûr le coup et dans l’après. Avec un héritage mêlé à corps et emporté de Dick Volodine Novarina et tous, vous, que sais-je … dans un sursaut de libération de l’élan vital.