Je t’écris comme un chat se pose sur les lattes du parquet ensoleillées et craquantes, à se tourner et se retourner avant de trouver la bonne position, puis plus rien, les yeux semi-ouverts, tel le sphinx attendant le visiteur.
Je t’écris comme un danseur possédé par la musique qu’il a calé au creux de ses oreilles. Je m’agite, m’apaise puis repars, comme la plume gratte le papier, comme les idées circulent dans mes veines.
Je t’écris comme une mappemonde virevoltante qui s’arrêtera pourtant bientôt, n’ayant pour seul moteur que l’enfant qui ne se lasse pas de la faire tourner. Peut-être découvriras-tu sur ma surface courbe un lieu encore inconnu de toi, inconnu de moi. Peut-être seras-tu l’enfant qui me relancera.
Je t’écris comme on joue du violoncelle : l’instrument lové au creux des jambes, te caressant du crin lissé d’un cheval inaccessible, appuyant sur tes cordes pour te faire résonner. Je tire et pousse, je glisse et change de position, je sautille, allonge, raccourcis, plus fort, moins fort. Je me trompe et rature.
Je t’écris comme un brouillon. Je te raye, je te tâche, je te flèche et t’annote.
Je t’écris comme une course de fond. Je préfère l’endurance aux sprints bravaches et éphémères.
Je t’écris comme je respire. Je t’écris comme sans y penser. Je t’écris comme m’apercevant que l’air manque, comme écoutant mon cœur angoissé, comme aspirant un air trop pauvre. Je t’écris en ralentissant, je t’écris en me réconfortant de t’inspirer plus doucement. Je t’écris comme je sais que tu seras toujours là.
Je t’écris comme je nage entre deux eaux, entre deux temps, entre deux brasses, entre deux vagues, entre deux bains de soleil immobiles.
Je t’écris comme j’écoute mes ailes pousser avant de m’envoler rejoindre les oiseaux qui chantent dans l’arbre.
Je t’écris comme la littérature, liste mes fêlures, ris de mon inculture, brode la reliure. Je t’écris comme on se pique.
Je t’écris comme un looping tête en bas, l’estomac en vrac et le cœur tout à coup trop musclé. Je t’écris comme secouée.
Je t’écris comme je te rêve. Je t’écris comme je te cauchemarde. Je t’écris comme l’inconscience me le susurre sans cesse depuis si souvent.
Je t’écris comme la rivière coule en sous-terrain, en sous-main, en sous-moi, au-dedans avant que ça déborde.
Je t’écris comme le TGV en ligne droite, la moto en rallye, la voiture en coures-poursuite, je t’écris comme on tient le volant pour ne pas perdre le cap.
Je t’écris comme les gymnastes agitent leurs rubans, en volutes colorées, en plein et en déliés.
Je t’écris comme je suis. En mouvement.
Ces mots qui m’ont carrément touchée « Je t’écris comme je respire. Je t’écris comme sans y penser. Je t’écris comme secouée. » +++
Merci Rebecca. Très touchée aussi par ton interrupteur!
Encore encore des je t’écris comme. Les lire après les avoir entendus, les relire, les savourer… merci de cette magnifique définition.
Merci Danielle. Je ne sais si je continuerai, mais ce fut un super jeu cet atelier!
Plein de mots qui résonnent en moi : comme un chat, un danseur, une mappemonde, un brouillon, une course de fond, entre deux eaux, la rivière, comme je suis … toute la multitude d’un être. Merci.
Très sensible à vos résonances, merci.