Je suis à nouveau deux.
Le nouveau de deux est ancien, rencontre souterraine, sans m’y attendre. On pourrait dire au détour. Le détour est un cercle dont on ne sort pas.
Je et deux. Un il à double battant, à double cœur, à double corps. Perdu dans des matins infinis, soudes brumes agonisantes ou des soleils éclatants.
On pourrait tendre la main pour arracher cette part d’enfance qui revient comme un peau douce et tendre. Des yeux émerveillés devant une procession de fourmis qui passent sans se presser entre les jambes de soldats de plombs qui encombrent une cour légèrement ensoleillée/c’est la fin du jour/ bientôt le crépuscule et les ombres qui s’allongent.
Parlons des ombres, celle qui suivent pas à pas , de manière obsessionnelle, chaque être, à voir l’ombre d’un insecte, un point minuscule, elles attendent et murmurent à peine. Le chant des ombres, . impossible à attraper, les chiens deviennent fous à courir derrière cette tache d’encre qui les poursuit.
Je suis, totalement, ou à peine ou plusieurs, rassemblé ou éclaté. Accélération/ Flashs/ s’étreindre sans se nommer/ les mots aveugles titubent se cognent s’écorchent ils s’aiment sans se nommer/ les lieux communs même s’ils sont employés par plusieurs restent uniques et solitaires/des mots météores.
Je joue à saute-vie au milieu du marécage des personnages balbutiants. Ils sont esquisses sonnantes et trébuchantes, surtout trébuchantes.
Désarticulés souvent, des prothèses de textes. Remettre debout ces fuites incendiaires.
Il pourrait être elle et se perdre à jamais dans les méandres d’un delta d’émotions inconnues. je me tiens à il, terrain connu autant que mouvant, disparité des formes, des corps, des sexes, des caresses échangées, de nuit de jour, éclairs d’un orage attendu/ je suis le fils qui boit l’orage.
C’est la fête for haine. Il a lu ses carnets marqués de je les grands soirs de terrasse solitaires.
Une incohérence de plafonds bas, de morts qui parlent, de bruits de machines, de pistons grinçants, de quais déserts, de sillages blancs sur une eau aussi sombre que le Styx.
A nouveau procède de l’ancien. Trouver la clé, celle qui ouvre les murs de la mémoire. L’ancien du petit garçon, les yeux noirs, les cheveux courts en épis, le goût de la craie dans la bouche sèche, un expression de tableau noir, d’ennui sans pouvoir se tirer par la fenêtre., cris imagés dans une cour entourée de platanes, une croûte grattée d’être tombé, de s’être battu, sans remords.
Il aurait pu parler de Gévaudan, de Dragons sous les feuilles, ce je d’un récit épique. Il parle d’asphalte, de crissements de pneus, de rencontres nocturnes anonymes dans des endroits de transit, la route n’est jamais loin. Celle qui l’emmène hors de lui, qui le rassemble et le trahit. Un je de masques sans carnaval. “ I cut your head off and I put it in my TV set”.
Empilement. Des feuilles de routes. Des feuilles volantes. Des feuilles rampantes. Des feuilles d’automne. Des feuilles brûlantes. Des feuilles déchirées, émiettées, oubliées. Empilement.
J’ai ouvert la porte de l’atelier. Un bric à brac fais de bric et de broc, objets sans rapports, accumulés, entassés, jetés, des joueurs de foot Kinder dans une cage à oiseau, deux bougeoirs dépareillés, un sac rempli d’autres sacs, une grande enveloppe pleine de lettres pliées jamais envoyées, deux sculptures, esquisse de maternité en plâtre, un Janus hermaphrodite en bois d’olivier, des pinceaux aux poils collés, des toiles vierges, d’autres à moitié peinte. Le voyage n’aura pas lieu.
Celui qui parle ne répond pas. Jamais. Le silence n’en finit plus de grincer. J’arpente ma tête en toute sérénité, un garçon se perd et ne rentre jamais. Il prend le temps de chevaucher l’aurore, de goûter le gris de la nuit sur les fractures d’amour, il lèche sans relâche les gouttes d’embrun qui s’écrasent sur les années de fièvre.