On marche c’est un dimanche on est beaucoup quinze ou vingt on monte la forêt une sorte de procession on a laissé les voitures en contrebas le pont la rivière il y a les chiens c’est bruyant ils tirent ils aboient on ne veut pas être repérés c’est illégal on le sait un rocher un rocher dans la forêt c’est ce qu’on cherche certains marchent bien ils ont des bâtons des bottes ou des bottines certains ont des chaussures de ville des baskets tu avais dit que c’était pas loin on s’embourbe mais on continue on marche on monte les chiens piétinent sur place une femme boîte ça glisse elle dérape les chiens sont lâchés ils courent en tous sens ils aboient on prend un chemin sur la gauche on monte c’est encore loin demande un des garçons le chemin est enfin plat on domine la vallée le groupe est bruyant puis étrangement silencieux plus que la rivière en contrebas qui murmure en continu on marche un petit pot de fleur presque fanées déjà dans une main et dans l’autre l’urne elle est métallique d’un métal bleu piqué un endroit repéré précédemment un rocher c’est là qu’on voudrait aller on en voit un de rocher mais non non il est trop petit ce n’était pas celui-là ce n’était pas ce rocher-là on continue on marche on avait dit que c’était pas loin qu’on pourrait s’y rendre facilement mais oui mais oui on arrive mais le doute je ne suis pas prête rentrons il dit de toute façon tu ne seras jamais prête on aurait pas dû attendre tout ce temps après la crémation on aurait dû le faire tout de suite maintenant tu t’es habituée soudain le rocher il est là bleuté dans le soleil d’automne haut de deux ou trois mètres massif triangulaire un lieu calme mais pas trop calme non plus aux abords du chemin une belle vue une végétation diversifiée facile d’accès et avec du passage tu le sais bien elle détestait la solitude les enfants courent montent sur le rocher ils l’assaillent mais le doute elle sera bien là hein et puis encore je ne suis pas prête si on avait pu faire ça plus tard j’ai mal dormi en plus des mélèzes jaunis par l’automne de jeunes bouleaux un sol mousseux de la bruyère des myrtilliers on plante la fleur elle survivra à l’hiver tu crois et sous la mousse qu’on arrache délicatement comme un couverture qu’on soulève par-dessus un enfant on creuse un petit trou de la taille d’un poing ou de deux dans la tourbière pour accueillir les cendres ouvrir l’urne merde je n’y arrive pas prends le tournevis c’est le bon endroit tu crois oui oui regarde les myrtilliers tu te souviens quand on y allait aux myrtilles à la fin de l’été on avait de grands seaux et elle elle avait gardé sa bague mauve alors oh la belle grosse mais c’était sa bague c’était toujours sa bague oui tu as raison elle sera bien ici protégée par le rocher entourée par la végétation les genêts à proximité du chemin elle verra du monde mais quand même je ne suis pas prête pas prête pas prête les cendres on les verse dans le trou chacun son tour pas tout s’il vous plaît ne versez pas tout je veux en ramener chez moi en avoir un peu chez moi ça ne vous dérange pas si j’en prends ça va séparer le corps en deux ce n’est que le corps elle n’a plus besoin de son corps maintenant on replace délicatement le manteau de mousse et c’est déjà fini on se regarde temps suspendu on fait quoi maintenant on se rassemble on se met en cercle attention la fleur pas piétiner la fleur se donner la main comme ça dans le silence on est ensemble c’est bien d’être tous là autour de la mousse et de la fleur c’est beau ici quel bel endroit et ce soleil d’automne quand la concession de mes parents va arriver à expiration j’amènerai mes parents ici ils seront ensemble toute la nuit j’avais comme un poids sur le coeur je me disais non je ne peux pas mais ici finalement c’est bien c’est bien ici et on repart qui veut retourner directement aux voitures qui veut rentrer à pieds et tout le monde rentre à pieds y compris les chiens ils aboient tant pis pour les voitures on viendra les chercher plus tard on descend à travers la forêt on entend la rivière qui s’éloigne on se perd un peu dis donc c’est long quand même par les bois
On monte on a le souffle court on est suspendu au temps beaucoup de pudeur dans ce texte merci
merci pour votre retour qui me donne la sensation d’avoir été comprise !