Je ne sais pas qui je suis, et je ne saurai jamais qui vous êtes.

Je n’aime pas le Je de celui qui écrit, le Je ne peut être qu’un personnage. Écrire de soi, vendre son intimité cérébrale, Je trouve cela un peu obscène, et Je va mentir si il utilise ce Je. Alors je vais utiliser un autre Je, un qui annonce la couleur, qui avance avec la franchise d’un menteur honnête. Je est né, Il le croit, c’est écrit sur ses papiers, Je, aimerait en avoir la certitude, mais il n’y a plus de témoins. Admettons, Je est né, il a poussé, et puis il a découvert un petit monde, le monde de Je. Je a découvert il y a peu de temps, que les souvenirs se déguisent du présent, alors si Je ne souviens plus de rien, cela vous évite de lire quelques mensonges.

FAUX SOUVENIRS: NE VOUS FIEZ PAS À VOTRE MÉMOIRE

ls nous marquent et nous construisent: les souvenirs font partie de notre histoire personnelle. Parfois, au milieu de ces pensées authentiques se cachent des faux souvenirs. A la rencontre de notre mémoire avec le Pr Armin Schnider.

Vous vous en rappelez comme si c’était hier de ce souvenir d’enfance! Et pourtant, même si cet événement semble être ancré dans votre mémoire, il n’a peut-être jamais existé. Des faux souvenirs, nous en avons tous. Il s’agit du phénomène de la confabulation, auquel s’intéresse particulièrement le Pr Armin Schnider, médecin-chef du Service de neurorééducation aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), et professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Genève. Il est l’auteur d’un livre dédié au sujet, The Confabulating Mind*, récompensé en octobre dernier par le British Medical Association Book Awards.

©DR

A quoi servent les souvenirs?

Pr Armin Schnider Les souvenirs sont utiles pour vérifier le passé. Mais ils ne sont pas des photos précises. Un souvenir, c’est toujours une reconstruction qui est adaptée avec le temps. A chaque fois qu’on évoque un souvenir, on assimile le contexte du présent et on intègre de nouvelles informations. D’où l’idée que la mémoire sert avant tout à planifier son avenir, ce qui est biologiquement plus important que de se souvenir des détails du passé.

Qu’est-ce que la confabulation?

Elle est définie comme la survenue de souvenirs d’événements qui n’ont jamais eu lieu. Cependant, ces cas de confabulations fantastiques sont très rares. La majorité des faux souvenirs ont une base dans le passé. Et nous en avons tous! Lorsqu’on fait appel à un souvenir, il est réactivé puis à nouveau enregistré. Avec le temps, on intègre des informations qui n’appartiennent pas à l’événement d’origine. Les souvenirs évoluent et une bonne partie de leur contenu n’est plus correcte.

Des faux souvenirs peuvent être induits par la manière dont on pose les questions. Si à la fin d’un film, je vous demande: «A quel point était-il long?», votre estimation sera plus longue que si je vous dis «A quel point était-il court?». Cela a été testé en 1973: les réponses à la première question étaient 30% plus élevées que dans le deuxième cas. L’information était enregistrée, et le lendemain, les premiers sujets pensaient vraiment que le film durait plus (130 minutes en moyenne), et les deuxièmes moins (100 minutes en moyenne). Ce qui montre qu’on avait réussi à influencer leurs souvenirs.

Les faux souvenirs sont donc des souvenirs transformés?

Pas uniquement. On peut induire des souvenirs totalement inventés. Dans une expérience, on a demandé à des étudiants de raconter quatre histoires de leur enfance: trois événements étaient vrais, le quatrième inventé. La consigne était alors: «Vous vous êtes perdus dans un supermarché à l’âge de 5 ans. Donnez les détails». Tous ont affirmé ne pas s’en rappeler. Les chercheurs leur ont demandé d’imaginer la situation en détail. Deux semaines après, 25% d’entre eux ont indiqué qu’ils s’étaient perdus dans un supermarché quand ils avaient cinq ans. Ils avaient un souvenir de quelque chose qui n’a jamais eu lieu.

Les souvenirs sont-ils si manipulables?

Oui, et ça fonctionne particulièrement bien si le souvenir est d’emblée faible ou affaibli par le temps, et que la fausse information est plausible. Le cerveau n’a pas de moyen de différencier ces faux souvenirs des vrais, ce qui est assez inquiétant. La conviction d’un souvenir n’est pas une mesure fiable pour juger de son exactitude.

A propos de Laurent Stratos

J'écris. Voir en ligne histoire du tas de sable.

Laisser un commentaire