et je broute beaucoup, et je meugle parfois, et je rumine aussi, et l’herbe est assez verte – mais déjà je parle de moi – déjà j’étouffe du JE que je mâche entre mes gencives voraces, et recrache la mâche – rejette, repousse le JE loin dans les lignes, car il pousse de toujours s’inviter, se placer là sans y penser, sans que j’y pense, lui seul ou centre de la page, immuable, imperturbable – mais LUI dans tout ça, l’homme qui va, l’autre, le silencieux, le raconteur d’histoire, le partageur d’expérience, LUI qui ne dit pas son nom, avance discret, à peine, en son simple appareil, LUI dans les pages, LUI comme IL ou bien ELLE, l’universelle, ELLE qui promène son miroir tout au long du chemin d’herbes hautes, ELLE que je dois dire à présent, non plus moi, non plus JE : broyé dans la machine, le JE, la centrifugeuse, haché menu, liquéfié, liquidé, car JE est trop bavard, JE jacasse et lape sa propre langue jusqu’à l’oubli, JE désormais glisse du piédestal à la limite, la lisière, la charnière de la page, le charnier des JE – marre du moi, à la tombe le moi, la mort du roi moi qui ne parle que de soi, se vautre dans la soie de sa propre voix et n’en finit pas de meugler, de beugler, d’en avoir plein la bouche de sa feuille macérée – refuge du JE qui rassure, raccroche au cordon – et le corps encore? – et son corps à ELLE qui descend, qui appelle, qui attend, son corps chu ou non – chut au JE, ce n’est pas un jeu – c’est son histoire, ou la leur…
… refais le chemin à l’envers depuis les notes… me souviens parfaitement de ce JE qui broute et qui beugle et rumine même si n’avais pas laissé de commentaire ! le ton monte, la révolte s’entend, ce Je que l’on parvient à taire pour laisser place aux voix du dessous… et mon Je pense bien à vos photos !…