Deux Araignées vivent dans le jardin-qui-n’en-est pas un, légèrement dressées sur leurs longues pattes filiformes.L’une vient le matin, l’autre à la nuit. Rarement elles se rencontrent.Pourtant ce soir, à ma fenêtre obstruée d’ombre et feuilles de Plantes, tendis que j’abreuvais toutes ces vives, vertes, ondulantes précieuses amies sauvagement emprisonnées dans de grands pots bien solidement amarrés se chevauchant l’un l’autre tel jardin suspendu de Babylone, je les ai entendu.Il m’a fallu tendre l’oreille car leur voix frêles émanent d’une tête minuscule.L’Araignée-du-Jour tentait de décrire à sa consoeur de la Nuit tous les bruits, toutes les odeurs, tous les mouvements de la Ville.Sa frayeur ce faisant était telle qu’elle tremblait. Sa calme équivalente de la Nuit, bienveillante, voulait la rassurer, évoquant les quelques étoiles qu’elle pouvait voir dans l’étroit rectangle de ciel tendu au-dessus de la cour.Il lui arrivait même de là des rayons lunaires qui, disait-elle, lui rappelait quelque chose de si vaste, si clair et ancien qu’elle aussi en tremblait de tout son long corps fragile, au point parfois d’avoir l’impression de se dissiper dans cette lumière. Sa Soeur-du-Jour à son tour répondait, en agitant ses petites mandibules vibrantes pour imiter les roulements terribles d’une sorte de grande bête de fer qui grondait chaque matin à l’aurore tendis que, tout près, en bas, dans la cour on trainait des choses nauséabondes vers la rue.Vers le Lointain. Parfois, des éclats de verres cassés lui parvenait en rafales.
-Tout cela vient des humains qui vivent là, conclu t elle.
-Oui, vivement qu’ils disparaissent ! répondit l’autre.
Là, j’intervins : – Comment ? leurs dis-je, aucune reconnaissance ? Qui a planté toutes ces belles Plantes où vous vous plaisez à tisser vos savants pièges sans jamais être importunées ? N’y a t il parmi nous certain Yahoos qui aurait grâce à vos multiples yeux ?
Mais, comme elles n’avaient pas lu Swift, elles décampèrent aussitôt sans répondre.