SE TENIR DEBOUT : où la possibilité de mettre pied à terre n’est pas assurée …
- Photo de bébé en grenouillère à papillons, la tête est tournée en un angle étonnant vers l’appareil qui la fige. Bariolage : époque de la démocratisation de la photographie couleur.
- Souvenir de coccinelles renversées sur le dos, doctes explications d’un enfant plus âgé à propos de leur impossibilité à se retourner toutes seules (information non vérifiée à ce jour), sauvetages de coccinelles émaillés de quelques ratages cuisants.
- Piscine froide et gluante des temps scolaires, petits carreaux bleus à joints noirs, quelqu’un crie de ne pas courir, il est par ailleurs chic d’attacher avec désinvolture le bracelet de consigne à sa cheville. Années 70.
- Danse, corps d’un autre, transport ébriété virevoltes puis retour du silence et du sol inquiet – bribes dont les circonstances précises ont fui.
S’ÉLANCER : où le mouvement éprouve son rythme … et l’espace ses alcôves
- Affinité forte pour les gares, trains et moments de départ
- Stations. Les invariants : escaliers noirâtres, lampadaires, lignes au sol et pancartes. Leur poétique propre, impressions fugaces et recomposition perpétuelle. (cf aussi réservoir inépuisable de celles d’Hokusaï).
- Creux, plis, alcôves et mémoire : araignée nichée dans un parpaing, surprise, frayeur ; déclaration d’amour dans un recoin de gare parisienne.
- Surgissement inopiné de Prévert et Romain Gary, entre autres – sols ou cieux ?
DÉVALER : gesticulations des hauteurs vers les dessous
- Lunettes de réalité virtuelle : enferment, refus VS liberté du regard de plonger lui-même.
- Merveilleux des boyaux en plexiglas entre l’avion et la terre ferme.
- Impasses du regard : recherche sur l’escalier d’Escher, la perspective et les illusions d’otique. Rêveries sur la figuration de l’impossible.
- Trouvaille accidentelle sur internet de l’hélice holographique. Convoque les vieux vertiges à la lecture d’UBIK.
- Fantasmagorie : déchaînement du corps qui se réapproprie l’espace, sortie du regard. Souvenirs confus de films du mardi soir : balustrades où se jettent des cordes et bondissent des héros.
TRAVERSER : où l’on transperce l’objet jusqu’à plus soif avant de prendre la mer …
- Un bonbon ancien dont je ne retrouve pas la trace. Souvenir de mon grand-père qui fabriquait pour me distraire des petits bateaux avec les papiers de ces mêmes bonbons introuvables. Observation et palpation rêveuse d’un bonbon assez ressemblant.
- Recherches cnrtl synonymie papier de bonbon et extrapolations. Retour de pêche : le baron de Clappique de La condition Humaine.
- Jonas : figuration fantasmée d’un trou dans la généalogie ? mystère insondable de l’apparition des personnages.
S’ARRÊTER : tentative de stabilisation par focalisation sur une fontaine à manivelle
- Vision fugace d’une fontaine isolée sur une place en chantier. Juillet caniculaire, 2019. Photographie hâtive et ratée : mauvaise perspective et illusion d’optique. Seconde photo en gros plan le lendemain, mais le texte a déjà été écrit et l’illusion opéré. Perseverare diabolicum.
- Recherche internet sur les fontaines à manivelles, égarement dans des considérations mécaniques sur les fontaines (la fontaine de Héron, mathématicien de l’antiquité, Denis Papin). Interrogations sur la circulation souterraine de l’eau potable.
- Commande de l’ouvrage de Thierry Paquot, Vocabulaire ordinaire et extraordinaire des lieux urbains … qui arrivera bien après ma publication du texte.
- Souvenir d’un travail auprès de SDF, rue sombre du lieu d’accueil. Citation de Thierry Paquot (passage lu récemment, j’ai bien fait d’acquérir ce livre) sur les recoins, page 28, article alignement : « les décrochés, les écarts, les coins et recoins accordent à la rue une certaine poésie que la géométrie ignore tout comme l’ordre disciplinaire qui rêve d’une vie aseptisée, quadrillée sans à-cotés que les marginaux et délinquants s’empresseront de s’octroyer »
- Reprise de la photographie avec mise d’un filtre « Sahara ». Réflexion sur l’accès à l’eau potable. Souvenir d’un camp au Lesotho, improvisation d’une danse de la pluie déglinguée avec le groupe formé par les bénévoles et les villageois.
S’ATTACHER : sur les chemins il y a des gens, des lieux, des chants
- Impressions de l’île de C. (années 2010) et souvenir d’une femme remarquable. Coup de foudre.
- Cours de russe, joie d’entendre de nouveaux sons, d’apprendre à les prononcer, de buter, d ‘y parvenir.
- Vif plaisir à utiliser les blancs, pauses dans la pensée qui suspendent l’évidence pour permettre autre chose. Une trouvaille.
SE TRANSPORTER – Où quand le train roule c’est l’esprit qui voyage
- Tendresse inentamée pour Holden Caulfield.
- Faire le vide, creuser des trous quand le monde est trop plat, fuguer.
- Un hôtel à saint Malo dans les années 90, la mer par la fenêtre ouverte, souvenir d’avoir pensé : cela me suffirait.
REGIMBER : où refuser de se laisser absorber revient à rater la cible, mais à regarder autour …
- Colo fin années 70 : bâtiment glacial et monos cigales à guitares
- Encore une coccinelle, mais une « fausse » cette fois. Curieux quand même cette intrusion de petits bêtes … Robin des Bois déguisé en cigogne dans le dessin animé de Disney (et vice et versa pour la petite fille de la colo ?). Les souvenirs et références sont-ils tous d’enfance ?
SE RETOURNER : agitation de soi et mouvement vers les autres
CARACOLER: les traces sont brouillées donc illisibles
VOYAGER DANS LE TEMPS
- Les traces véritables sont verbales (le petit cochon, la nom de la maîtresse alsacienne). La mention du livre avec une fillette chinoise est sans doute une condensation entre deux albums pour enfants, Calia La petite péruvienne et Caroline au Pôle Nord (une petite fille eskimo y mange du savon). De la tresse dans sa littéralité au tressage entre souvenirs fragmentaires et images construites. Tâche se lie avec un encrier renversé. Le peur de ne pas réussir à écrire est sans doute la transposition dans le passé et appliquée à la graphie (on écrit d’abord avec ses mains) d’une inquiétude actuelle.
- Notes de journal de voyage. A la relecture ce que j’aime le mieux est « Willy sent le caramel ». Pas de souvenir de ce qu’est le Social Club. Difficulté à manier le « nous » d’alors, l’autre est laissé dans l’ombre. Solitude nécessaire de la contemplation.
- Élucubration qui traduit là-aussi une inquiétude actuelle sur la procrastination, ou plutôt écrire sans écrire, flotter à côté de l’écriture tout en écrivant. Source internet sur les événements du 27 septembre 2004.
- Extrait de journal. L’écriture a toujours été support des tentatives d’arrêter de fumer. Étui dont le caractère masculin m’embarrasse. Que racontent les objets qui ont appartenu à d’autres ? Que racontent nos objets, cendrier poisson tout rond, tête de cheval en bois sculpté, bonnet vert pour coquetier, pièce de puzzle en forme de couche culotte, … Pourquoi certains objets restent gravés indépendamment de leur usage où de leur histoire ? Comment ces objets deviennent-il matériaux d’écriture ?
GRAVITER – détection du champ de force : sous les objets, la langue
Très beau dictionnaire qui donne envie de lire ou relire les textes. Tout d’un coup cela m’affole de penser que le paratexte serait plus fort que le texte. Angoissant !
Très belle idée d’associer mouvements et figures. Oui, relire les textes éclairés et détaillés par ces notes !
Merci Fil, pour votre lecture bienveillante face à mes entrelacs (j’ai bien peur d’avoir du mal à faire simple … en général).
Merci beaucoup Danièle Godard-Livet. Cette affaire de paratexte me parait vertigineuse : sentiment que rien ne s’épuise vraiment, que le paratexte relance plus qu’il ne clôt (sans doute aussi parce que j’ai pas mal dévié de la consigne …)
Un chant, couleur nostalgique, une épopée de bribes (et le monde dedans, fragile, il m’a semblé), on en ressort à peine triste, parce le goût du bonbon est perdu, seulement, sous le palais, le souvenir.