Né un dimanche, né en avance, né l’aîné. Puis j’ai attendu, me suis laissé faire. J’ai eu la belle vie, j’ai parlé. Dans le cocon, étais le roi. Dehors, ai cessé de parler, ai tremblé, le monde avançait trop vite pour moi. J’étais l’un ici là j’étais l’autre. Ai parlé ici me suis tu là. J’ai croqué le silence. Ai-je jamais rien fait d’autre que croquer le silence ? Ai grandi trop vite, courbé, taiseux, de grisaille en silence ai eu des boutons ai chanté je vous ai apporté des bonbons ai dit qui dit oui qui dit non ai hurlé ils pissent comme je pleure ai murmuré tout bas tu frères encore. Je suis un soir d’été. Ai parlé tout seul dans mon lit ai pris l’avion ai chanté je suis un gars ai bu de la bière ordinaire ai repris l’avion en sens inverse. Elle m’a dit tu m’as manqué : j’ai aimé. Fus fou. Lui ai écrit. N’aurais pas dû. Elle m’a dit d’aller siffler. Mes amours ont eu mal aux dents je suis un gars bien ordinaire j’ai rebu de la bière j’ai refusé qu’elle me laisse devenir l’ombre de mon ombre. Un autre a cherché le plus-que-parfait du verbe aimer. J’ai trouvé : avais aimé. Ai pleuré. Voir un ami. Ai ri. Jean qui rit gens qui pleurent c’est la fête. Les hommes pleurent on hésite on titube on repart de l’avant j’ai lu j’ai écrit j’ai usé des lutrins. Ai joué. Perdu gagné reperdu. Ai fait semblant de jouer à la guerre. On m’a parlé allemand ai fait semblant de ne pas comprendre ai eu des cauchemars. Ai chanté je veux qu’on rie je veux qu’on danse d’avoir trop ri je veux mourir mourir de rire je veux rire de toute une dent je veux qu’on rie je veux qu’on danse et qu’on tourne et qu’on danse d’avoir trop pleuré je veux qu’on rie je veux qu’on danse une valse je veux bâtir un roman tu es dans mes bras je veux qu’on s’amuse comme des fous. Me suis assagi. Me suis habillé de mes rêves. Me racrapoterai. Vais mourir. J’arrive. On prend tous le train qu’on peut.
Avalanche poignante de verbes ! Merci pour ce texte ! J’aime beaucoup le verbe « se racrapoter ». Je l’adopte au passage !
Merci pour votre commentaire ! Heureux que le verbe se racrapoter se transmette de Brel à moi (il se trouve dans une chanson qui a pour titre un verbe : Vieillir) et de moi à vous…
ah oui ! quel périple avec ce vieux Brel…et c’est vrai que ces jolis racrapoter, ça le dit !