Je me suis oubliée dans un lit espagnol. Je tente d’écrire le souvenir d’une intoxication alimentaire. J’ai 18 ans. Elle se réveille dans la nuit en s’apercevant que les draps sont souillés. Elle n’est pas chez elle. Je ne suis pas chez moi. Elle se lève, enlève les draps, cherche la salle de bain, se sent honteuse, espère de tout son coeur qu’elle trouvera une solution pour que personne n’en sache rien, jamais. Dans le sud de l’Espagne l’été le soir l’eau est coupé. La famille qui m’accueille pour la nuit pour la première fois fait des provisions d’eau comme d’habitude. L’appartement n’est pas grand elle finit par trouver la salle de bain, l’interrupteur. Je ne sais pas ce que je cherche mais je le saurai quand je l’aurai trouvé. Elle espère encore un miracle. Elle entend la voix de la grand-mère qui l’héberge, celle à qui appartient l’appartement, celle à qui son petit fils a imposé la présence d’une touriste rencontrée quelques heures avant, celle qui a proposé les calamars qu’elle venait de faire frire.
D’ordinaire je comprends cette langue assez mal mais là c’est clair. La grand-mère se demande ce que je fais là dans la salle de bain au milieu de la nuit. Elle se retrouve en tête à tête avec la dame et elle explique dans une langue inventée qu’elle a été malade malata qu’elle a sali les draps qu’elle cherche à les laver. Je ne lui dit pas que c’est à cause d’un sandwich au jambon que je trimbalais depuis trois jours dans mon sac que j’ai mangé au bord d’un chemin sur lequel je m’étais égarée. J’avais 18 ans et un corps dont je ne saisissais pas bien le fonctionnement. Ecrire une anecdote avec le risque d’une intoxication quand c’est malade c’est liquide. Ecrire du solide. Ramollir la matière. Assouplir une forme. Réduire les lignes.
Quand le corps reprend ses droits, le je en est égaré.