A Bandol l’hiver n’a pas le même charme l’hiver est triste dans la campagne provençale de la porte-fenêtre ouverte lui il tourne le dos à cette désolation se réfugie dans l’immense salle de bain l’eau qu’il fait couler dans la grande baignoire à pattes de lion posée sur le carrelage de tomettes rouges est très chaude presque brûlante et fait monter en lui ce plaisir intenseu’il n’éprouve plus avec les femmes ce plaisir qui l’envahit il va vers le plaisir immanquablement l’hiver ce jeu rituel lui redonne vie A Bandol il y avait ces jours sans intention où il ouvrait les volets tard regrettant de ne pas s’être levé plus tôt tout ce temps perdu ce temps à rêver hors-saison le village s’était vidé il occupait sa journée descendait centre ville une fois sur une impulsion il était allé chez Marie espérant la trouver seule il savait qu’il n’aurait qu’à la toucher qu’à sortir sa langue pour la pénétrer au saint du saint elle succomberait au plaisir pervers de cette ostie qu’il glisserait dans sa bouche alors sa tête s’était rapprochée il sentait l’odeur du figuier qui montait du jardin au bord de la fenêtre à un millimètre près son odeur à elle s’était substituée à la subtile poudre de l’arbre bleu il n’avait pas aimé son odeur lui avait répugné il avait bu le café comme si rien n’était Pour remonter à un temps plus ancien à Bandol il y a une fontaine sur la place du village il la voyait derrière les volets fermés il jouait avec Marie à tourner en tenant le bord bas le soleil sur leur tête soudain elle fût aspirée par cette eau fraîche et verte disparut la tête la première d’elle il ne voyait que les jambes tout était calme immobile pas de bruit seulement ses jambes inertes au-dessus de l’eau il regardait il n’arrivait pas à bouger elle se noyait les jambes suspendues au-dessus de la surface lisse de l’eau la tête qui regardait au fond de la fontaine sans bruit Une autre fois c’est l’été à Bandol dans la petite maison étroite qui dépasse des champs il est tôt à travers les persiennes lui arrive l’odeur un peu acide des feuilles de vignes les taches du soleil annoncent le destin du jour à travers les raies des persiennes la chaleur déjà ourle la lèvre supérieure d’ Andrée de rosée en s’étirant elle révélera l’humidité tendre de ses aisselles sa peau douce au grain partout veloutée par les rayons de lumière quelques pilosités inopportunes aimées seulement de lui à ce moment-là alentour tout est brûlé tout est en attente de vivre son souffle suspendu qui attend une accalmie pour respirer Andrée était jeune alors et faisait irruption dans sa vie il l’aimait dans cette nudité tranquille du sommeil A Bandol quand il était enfant qu’il rechignait à se lever bien que le soleil chauffe déjà les persiennes fixant ses raies vives sur le drap sa mère pour une fois disponible posait sa main sur son front ce geste doux ce chatouillement lui apportait le même apaisement que plus tard l’intimité de son amie nue il restait immobile le temps suspendu prolongeait ces moments de grâce qui se posent là un instant