Je ne pensais pas que le verre de Venise ressemblait à cela. Et par ailleurs, il était fort étrange pour moi de dormir sous cette applique ancienne, d’aspect laiteux. Cela avait été un bonheur de jouer pendant la journée avec mon frère. Nous avions sauté sur de grands ballons ayant un guidon auxquels nous pouvions nous tenir. Nous avions beaucoup ri et comparé nos sauts ainsi qu’essayé avec plus ou moins d’habileté d’avancer sur une très belle allée entourée d’arbre. Allée qui ne menait plus à grand chose car des morceaux de la propriété avaient été vendus afin de pouvoir la sauvegarder au maximum. Je crois que mon ballon était bleu et la chambre verte. Un vert passé qui avait été très beau et avait encore belle allure. De cet endroit il me reste ces jeux, cette impression d’être une princesse car au-dessus de moi il y avait cette applique en verre de Venise. Applique que je trouvais belle même si elle était laiteuse.
Ce fut la seule maison où nous avions vécu qui avait un réel grenier. J’aimais y jouer pendant que ma mère chantait. Il y avait le berceau qui était le lit de ma poupée. J’adorais le tissu accroché à un cercle de métal au-dessus du lit, voilages protégeant ainsi un bébé en plastique. J’ai le souvenir d’une moquette qui gratte. Du cri de ma mère qui tombe dans l’escalier et se fracture le bassin. D’avoir attendu les secours. Mais peut-être que je n’ai jamais entendu ni assisté à cela. Peut-être que j’étais à l’école, en fait. Peut-être que j’ai fabriqué ce souvenir car je sais que cela s’est vraiment passé là-bas, au pays des géants et des poules d’eau dans les marais. Des tartes au sucre et du brouillard le matin quand j’allais à l’école. Le jardin était derrière la maison, en forme de triangle je crois. Il était limité par un grillage aux formes de losange me semble-t-il, grillage qui séparait notre jardin de celui des voisins.
J’ai vécu un mois dans cette maison. Maison d’été. Autriche. J’y ai été fort bien accueillie. Je me souviens de la terrasse du petit déjeuner, avec une table où le matin il y avait en abondance des œufs coques, de la charcuterie et des petits pains avec des graines. Je sais qu’il y en avait que j’aimais plus que d’autres, mais je ne sais plus vraiment pourquoi. Lors de mon arrivée, on m’a dit que les rêves que l’on fait dans une maison la première nuit où l’on y dort, se réalisent toujours. Je n’ai jamais oublié cette phrase. Notre chambre était loin de celle du père. Il ronflait si fort que nous l’entendions même à l’extérieur de la maison. Nous l’avions constaté en riant un soir où nous étions rentrées d’être allées danser. Un autre soir, nous avions vu de nombreux frelons. C’était la première fois que j’en voyais autant. Je me rappelle de cette maison simplement le couloir, le son du ronflement en rentrant dans notre chambre, le plaisir des petits déjeuners et la magnifique vue sur le lac qui allait avec.
Ai aimé cette déambulation pleine de saveurs, de détails anodins qui ont pourtant construit le réseau de la mémoire et bien plus encore… je retiens l’image de la mère qui tombe… il faut toujours se méfier des escaliers (et j’en sais quelque chose…)
Merci Cécile pour cette délicieuse proposition…
Très touchée par vos mots: j’ai écrit au milieu de nombreuses choses à faire et d’un séjour d’un ami chez moi. Donc je ne savais pas trop évaluer s’il y aurait des résonances ou un intérêt à mes écrits. Ça me fait d’autant plus plaisir. Bon ce week-end, je passe à la 9… Et tout sera rentré dans l’ordre côté atelier d’écriture!