Sortir lorsque tout le monde dort, quand tout est clos. Ce qui l’attire c’est le monde en suspens, isolé dans la vacuité reposante et angoissante de l’existence. Le trajet est le même, dans les mêmes rues, avenues et ruelles. Ses pas sont longs, lents et discrets. Le silence est long, lent et constant. Un bruit : en était-ce un ? On se retourne, on guette la moindre ombre, dans une soudaine crainte qui s’accroche aux intestins. Une peur lancinante et primaire dans un milieu façonné par l’Homme et dont il est lui-même le prédateur redouté. Les sons, les ombres, les yeux de la ville semblent alliés à cette menace. Dans le silence, la respiration s’accélère, les sueurs sont froides d’appréhension tenace et funèbre. Il faut reprendre son chemin, reprendre sa route : une proie immobile est la plus facile à cueillir. Mais comment être sûr que le mouvement soit la bonne solution ? Peut-être que la proie n’est pas encore perçue ? Bouger signalerait sa présence ? Rien durant deux battements de coeur, si ce ne sont les secousses et tremblements des chevaux déments de l’instinct qui galopent dans son esprit et l’empêchent maintenant d’entendre. Elles se dressent, ces infernales montures, et soudain cette silhouette, fatalité, l’embrasse avec un goût de cyanure.