La maison est là, devant moi. Je monte le petit escalier et entre dans cette maison blanche, basse, coquette. Bien entretenue. Je pourrais dire bichonnée. Située au milieu des vignes dans les environs de la ville. Idéale pour des promenades dans la nature. Une grande pièce blanche m’accueille, dominée par un piano à queue en bois couleur miel, aux touches ivoires en attente.
Je vous salue, Monsieur B. Pardon ? Van ? Ah oui, Monsieur van B. Je vous prie de m’excuser. Vous êtes tellement connu, le monde entier ne parle plus que de vous, surtout cette année, Monsieur van B. Je sais, je suis en retard, même très en retard, mais il m’était impossible de venir avant. Pourtant, vous faites partie de ma vie depuis si longtemps, vos notes, mélodies, sonates, symphonies ont bercé mon enfance. Apprendre le piano avec votre musique était un peu difficile, mais quand on aime, on arrive à tout faire. Bien sûr, bien sûr, vous le savez, vous l’avez dit et redit, dans vos épreuves, la musique vous a sauvé, vous a maintenu en vie. Vous avez innové, votre professeur, Monsieur Haydn, l’avait senti et prédit. Vous avez mis l’homme au centre de sa musique, sublimé vos souffrances…Oui ? sinon vous seriez mort ? …Oui, vous avez continué pour le bonheur de vos admirateurs. Malgré vos acouphènes qui ont dû vous gêner…très jeune, dites-vous, difficile, plus de chant, de son de flûte…retiré du monde…Comment avez-vous pu créer tant d’œuvres magnifiques ? La lettre à Elise, premier essai sur mon piano, après les études de Czerny…j’avais appris que vous aviez travaillé avec lui…ah ? il fut votre disciple ? et votre ami ? Et c’était qui, cette jeune Elise ? Vous ne l’avez jamais vraiment avoué…ça ne regarde que vous, c’est vrai, je vous prie d’excuser ma curiosité, mais cette lettre est encore jouée par des jeunes filles d’aujourd’hui, si moderne, si expressive, et puis la sonate au clair de lune, ma préférée, mélancolie et turbulences, nostalgie et passion…ah bon ? moi qui y voyait un témoignage d’amour, vous dites que c’était une musique pour un deuil ? Je vous crois, mais quelle tristesse, quelle émotion, Monsieur van B. ! Mais là, où vous avez vraiment fait fort, c’est avec votre Neuvième. Votre musique a souvent été utilisé pour des films, transformé, modernisé, chanté avec des textes d’amour bien sûr, par des célébrités d’aujourd’hui, mais votre Ode à la joie, c’est carrément un coup d’éclat ! Vous avez dit l’avoir écrit pour l’humanité entière, pour les générations futures. Alors que vous étiez sourd et désespéré ? Dans votre tête ? La musique vous étreint, s’impose ? Les notes, les accords ? Après vous les écrivez ? Monsieur van B., vous êtes un génie ! Mais vous le savez déjà, vous êtes fêté depuis si longtemps ! Et votre Hymne à la joie est devenu un symbole pour nous qui la chantons à l’unisson pour célébrer la paix et la vie. Merci, Monsieur van B. pour toutes ces joies et toutes ces émotions que vous nous avez transmises…oui, vous êtes un peu étonné de tout ce ramdam, 250 ans, concerts, conférences, mais vous n’avez jamais été un musicien maudit, même de votre vivant…c’est vrai, tant mieux, cela vous consolait de vos souffrances…A vous les honneurs d’aujourd’hui ! Vous dominerez la vie musicale de cette année ! Au revoir, Monsieur van B., réjouissez-vous avec nous, vous êtes immortel !