Atelier Une Nouvelle en 4000 mots – Proposition #1 | Images Mentales – Episode 2

Le contexte, l’exercice

A l’hiver 2019, François Bon a proposé un cycle d’atelier autour de la nouvelle. Un an plus tard, je décide de reprendre ce cycle à mon rythme et à ma manière.

Pour Lire Images Mentales épisode 1 
avec les images I, II et III ; cliquez ici. 

La proposition de François Bon :

Dans la proposition 3 « Quand Kafka s’amuse », François Bon nous invite à revenir sur les images mentales et d’en proposer trois nouvelles dont acte.

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IV Revenir chez soi

Quelqu’un vient d’arriver et le champ du sensible s’en est trouvé tout à coup agrandit. Le soir est tombé et le soleil vient du dedans, des lumières tamisées de la maison de famille. Derrière une baie vitrée, dans l’espace d’un pas franchit, on aperçoit une femme assise sur un canapé. On devine sur son visage des reflets bleus. Le temps d’un instant, c’est la quiétude qui est offerte. Une mère attend sa famille. Le silence n’existe plus. Il y a un léger vrombissement dans le fond de l’air. Le chant d’un oiseau accompagne le vent. 
Quelqu’un vient d’arriver, il marche autour de la maison, il va bientôt entrer, ses pas sont appelés par la mélancolie. On peut entendre tous les chemins par lesquels il est arrivé, par lesquels il arrivera, où d’autres marcheront dans ses pas. Quelqu’un arrive du bleu sombre de la nuit. Le ciel se repliera sur lui comme une couverture. Les lampes de chevets seront des feux incandescents. Quelqu’un revient chez lui, de ce lieu familier naîtra une aventure intérieure. Dans l’ombre de ce marcheur, on peut voir un enfant courir.  

V  Il est tien, il est mien

Quelque chose tremble, c’est l’image, c’est le son, c’est la route, c’est la carte. Le réseau s’en trouve sans dessus dessous. Le signal était déjà sur moi, il m’a saisi sans crier gare. Une simple seconde de décalage, je n’ai rien vu venir, l’information clignote. Entre deux signal, la musique émerge du vide. Le signal m’est donné, la membrane a tremblé. Mon oreille ne ment pas, il se passe quelque chose. La guitare semble bien accordée, mais la voix est-t-elle juste ? Je suis resté sur le lutrin. Je cherche la partition, il y a une basse sous la guitare, un mélodica s’est caché derrière la batterie. As-tu vu courir cet Ostinato repiqué à l’électrique ? As-tu lu ce cri d’horreur sous couvert des plus belles auspices ? 

Le signal existe, je suis là, je te le donne. J’ai mis un piano dans la sortie de secours. J’ai accroché des clarinettes au plafonnier. J’ai planqué un cithare dans la régie. J’ai la corde vocale qui tremble. J’essaie de doubler, je fais mon signalement. Je tiens à signaler aux autorités compétentes qu’étant donné la situation actuelle, il serait bon d’agir pour faciliter les signalements dans une politique volontariste. Un effort de guerre car ils atteindront toujours leurs cibles. Le silence se contient, de son ventre c’est la vie qui découle. A chaque bip du signal, le saisir. Refuser de mourir. L’espoir clignote. Ne pas céder sur son désir. Mes armes sont là, prends-les ! 

VI Des maisons face à face, tout ce vide dans la rue

Ma fenêtre s’ouvre sur le vide. Dehors il n’y a rien, rien à voir. Tout n’est que silence, personne ne passe. Les pierres, le sable et le goudron se taisent. L’eau d’une rivière s’évapore sans un bruit. La rue semble libre, elle se berce d’ennui. Elle ne connaît personne quand viennent les dimanches, les longues journées d’été et les longues nuit d’hiver. Elle se refuse aux jours fériés. 

Un point à l’horizon, mais c’est encore le vide, l’absence totale de vie fragmentaire. J’ai un voisin. Je connais quelqu’un qui habite en face de chez moi. Mais je ne sais pas dans quelle maison. De ma fenêtre, je la vois sûrement, mais je ne suis pas sûr, est-ce dans cet immeuble oblong, cette bâtisse sombre, cette petite maison près de la rivière, celle avec un garage ou cette autre où il faut gravir un escalier pour atteindre la porte d’entrée. 

Il habite à côté de chez moi, le voisin, mais je ne sais pas où. De ma fenêtre je ne peux pas imaginer sa vie, deviner ses habitudes, comprendre ce qu’il dit, ce qu’il pense. Je n’ai que le vide pour moi, j’y retrouve les échos de ma pensée.
Je me retourne alors dans l’écrin de mon appartement et dans l’air que je respire quelque chose à changer, le vide a laissé son parfum. Ma vie s’est agrandie de quelques centimètres carrés.    

A propos de Aurélien Marty

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