Ils ne veulent plus sortir ! C’est la grande peur du moment. Les parents le disent des enfants. Les grands enfants le disent de leurs vieux parents. Ils ne veulent plus sortir ! Les enfants sont de plus en plus calmes. C’est comme s’ils étaient rentrés en eux-mêmes, partis chercher un mystérieux trésor aux tréfonds de leur être. De l’extérieur, cette quête donne l’impression qu’ils sont en train de se fossiliser sur le canapé. S’ils lisent, passe encore, mais s’ils sont scotchés aux écrans… Ils disent être mieux à la maison que dehors. Les vieux, si on ne fait rien, ils vont se momifier. Ils ne voient pas l’intérêt, même s’ils ont bien droit à un peu de repos. Ils ne veulent plus sortir. Ils ne veulent plus sortir. Ils ne veulent plus sortir !
Certains ont déménagé pour être au vert, mais ils ne veulent plus sortir. Ils ont contracté la grande maladie de l’amour du domicile. Il reste bien quelques excités qui rêvent dehors, rencontres IRL, pot en terrasse, salle de spectacle ou d’exposition, galeries marchandes, salles de sport, aéroports, trajets en métro, restaurant d’entreprise, machine à café, collègues, présence du patron. Des qui trépignent, occupent, manifestent… il en reste encore, mais ils sont peu nombreux qui n’ont pas trouvé leur nid. Les voisins les dénoncent, les petits patrons découvrent les bienfaits du collectif de travail. L’inspection du travail regarde et les forces de l’ordre distribuent les amendes.
Les pédiatres et les gériatres s’inquiètent. L’oxygène c’est important, bouger aussi ! Bouger est le maître-mot, au propre comme au figuré. Les psys s’en mêlent. Le repli sur soi peut être l’indicateur d’un moral fragile, le signe d’une grande angoisse dépressive. L’étape d’après c’est la dégringolade. Ils recommandent d’abord de bien identifier la peur. Est-ce que c’est une angoisse de séparation d’avec les parents ? La peur qu’il leur arrive quelque chose si on s’éloigne du nid ? Est-ce qu’ils ont peur d’être malades et de finir sous oxygène ? Est-ce qu’ils sont dépassés, sans repère dans ce monde qui bouge si vite ? Est-ce qu’ils sont fatigués ? Est-ce qu’ils préfèrent voir le monde de chez eux dans les livres ou internet ? Et puis ils donnent des trucs, des trucs pour enfants et des trucs pour vieux, des astuces pour les faire bouger, même sans qu’ils s’en rendent compte. Pas toujours très innovants (qui a dit que les psys étaient innovants ?)
— Il est conseillé de faire l’inverse de ce que les enfants évitent ! Graduellement les emmener de plus en plus loin de la maison. Il va falloir prévoir bien à l’avance les sorties, choisir ce qui peut leur plaire le plus sans les angoisser, et négocier tout ça en gaufres.
— Les vieux, il faut les secouer (gentiment), leur redonner l’envie d’avoir envie, les réconcilier avec le goût de la découverte, les inviter à un tarot, leur commander un gâteau selon la recette qu’ils tiennent secrète, leur faire connaître le bonheur de déguster un burger au pied d’un food-truck ou de voir un film de Tarantino…
Moi non plus, je ne sors plus. J’ai juste changé la déco. Dedans avec les miens, dehors en citoyen.
(t’as tort, Daniéle, faut sortir – et ne pas glisser surtout) (et ne pas oublier de rire – notamment en se foutant de la gueule de ces malheureux jeunes perdu.es dans le monde du jour – leur proposer un menu purée/jambon comme quand iel.les aimaient ça par exemple… :°))
Merci Piero. Tu ne te laisses pas abattre, moi non plus. Purée-jambon, je doute que ça marche encore (mouliné le jambon).