Il y a un doudou, un poulpe rose en peluche, que quelqu’un a posé sur la devanture de la bibliothèque, un doudou tout seul, dont le rose est devenu gris, triste comme un vieux jouet rangé au grenier, devant la bibliothèque fermée, un doudou plus si doux, usé, usagé, qu’un usager a peut-être déposé en sortant de la bibliothèque, qui est maintenant fermée, pleine de livres sans personne qui les lit, pleine des voix des morts que personne n’écoute, des morts qui ont dû avoir un doudou, ou des doudous qui ont tous été abandonnés, comme ce doudou tout seul, triste, un peu gris, sur le muret en béton de la bibliothèque, qui devait être rose, le doudou, pas la bibliothèque, la bibliothèque rose, c’est autre chose, et là, la bibliothèque est grise comme le trottoir, comme la rue, comme le ciel, comme les passants qui aperçoivent le doudou abandonné, le poulpe, ou la pieuvre, ou la sèche, ou le calamar pour ce que j’en sais, une bestiole, un octopodidé, du genre des octopodes, de l’ordre des octopodiformes céphalopodes me dit Wikipedia, mais en peluche, et rose-gris, rose Mountbatten, comme le prince Philippe qui est décédé et avait sans doute un doudou royal, enfin princier, et qui n’a pas dû être pour rien dans le choix que fit le prince Charles, parmi la pléthore de doudous qu’on lui présentait sur un petit coussin, de choisir parmi tous ces doudous un objet transitionnel à grandes oreilles, rose aussi, peut-être, qui est devenu rose-gris, rose Mountbatten, de la même couleur que les navires de la Royal Navy pendant la seconde guerre mondiale me dit Wikipedia, à l’époque où y servait le prince Philippe, Mountbatten lui aussi, dont les marins sont certainement morts aujourd’hui, et qui avaient certainement des doudous eux aussi, qui devaient sentir la morve et la bave et qui ont été délaissés pour les livres de la Bibliothèque rose, si tant est qu’il y ait une Bibliothèque rose en Angleterre, qui n’ait rien à voir avec Barbara Cartland, rose et grise, elle aussi, en tout cas, personne ne sait ce que deviendra le doudou, le poulpe ou de n’importe quel autre octopidé rose-gris en peluche, seul, perdu, triste, devant la bibliothèque grise, dans la rue grise, par temps nuageux.
J’aime beaucoup cette envolée autour du doudou de la bibliothèque, qui nous amène très loin!
Merci beaucoup pour le commentaire!
J’adore votre titre et la suite tiens toutes ses promesses! Le doudou objet transitionnel on pourrait en faire toute une thèse. De tous ces petits princes à qui on sacrifie quelque part la douceur et l’innocence de l’enfance pour en faire trop tôt des adultes ( en somme rien de plus de des grands enfants, ce que nous sommes tous…).
Merci beaucoup pour votre commentaire, et désolé de vous remercier aussi tard! La semaine a été dense… Oui, je partage votre opinion sur l’innocence de l’enfance et j’ai été encore troublé récemment de constater à quel point un doudou abandonné trouble les adultes qui passent devant quand il le remarque. Une évocation de l’enfance révolue, innocente qu’il n’est pas toujours simple de retrouver dans nos sociétés.
La suite!
Merci beaucoup! Je vais y réfléchir, mais j’ai peur de perdre le rythme de l’atelier en m’éparpillant, la semaine a été plutôt dense de mon côté!