Il y a ces femmes qui un jour ont voulu rêver.
Celle qui un jour se dressa devant les urnes fermées. Comme si un matin d’avril, sous le soleil timide d’un printemps avorté, il lui aurait été possible de s’exprimer.
1944, un siècle d’attente, d’oppression, de regrets.
Celle qui toute sa vie durant installa un couvert de plus à table, pour honorer les traditions, le savoir vivre, son métier. Elle se devait d’avoir cette place du pauvre prête à être utilisée, cette place pour un invité. Dans le maquis, dans la Corse profonde, qu’aurait elle pu espérer ?
Celle qui travaillait mais ne pouvait épargner. Directrice d’école, infirmière, secrétaire mais finalement mère dévouée. Un semblant de choix finalement très limité.
Celle qui en juillet 65 arrêta enfin de devoir demander.
Celle qui en janvier 75 remercia Simone Veil et pût enfin décider.
Celle qui jouait du violon et suspendait le temps. Comme si le bois profond pouvait entendre ses cris perçants. Comme s’il chantait pour elle. Comme si dans un silence sans nom, elle hurlait son mépris et sa haine. Un crescendo de sentiments. Un legato de rancoeur. La mélodie d’un monde intérieur.
Celle qui lisait.
Celle qui dansait.
Celle qui, un jour, prit sa fille par la main, et l’emmena loin, plus loin, rêvant pour elle d’un monde plus humain.