La photo en noir et blanc que j’avais trouvée précédemment dans ce placard poussiéreux me restait en mémoire. Ma grand-mère qui affichait son sourire triste, ses trois enfants et mon arrière-grand-mère avec son caractère.
Son mari avait été tué par les nazis, sauveur d’un village des Bauges. Elle était seule, seule avec trois filles. Autant vous dire qu’à l’époque, à la fin de la guerre, elle était dans la merde. Mais la providence a parsemé de l’aide sur son chemin. Sa sœur a pris en pension deux de ses filles, direction la Normandie. Elle qui était veuve, a tout fait pour s’en sortir sans l’aide d’un homme. Quand la situation s’est améliorée plus tard, et que ses filles se sont mariées et ont eu des enfants, elle a toujours été généreuse. Elle qui avait manqué de tout, de vivres, de nourriture, de temps, d’argent. Elle a tout donné, elle a tout partagé de son vivant. Elle aimait les choses simples. Cuisiner une tarte aux pommes, partager un bifteck-frites dans le bar du train corail menant en Savoie, partager des moments de complicité avec son petit-fils préféré. C’était tout ce qui lui importait : les petits moments de vie où le bonheur s’insinuait. Mais ce qui lui importait le plus et par-dessus tout : la paix, le calme et l’ordre.
Et vous savez-quoi ? Lorsque Jeanne décéda en 1999, sa générosité avait tout mis en ordre. Il ne restait plus un seul franc sur son compte en banque.