Tout ce bruit, les voitures la voix de l’enfant de l’autre côté ; je la vois parler à son crocodile vert, elle le tient à bout de bras devant son petit visage, tout entre dans mes oreilles, le rire du type, le rire de la femme et maintenant la petite au crocodile vert s’y met, elle me fixe avec sa bouche pleine de rire. Elle n’a pas fini de lui parler, je traverse je l’entends dire – tu vois ce monsieur il a mal il a très mal tu vois il saigne beaucoup – Ma main est rouge, je la glisse dans la poche de ma veste, le sang coule de mon front sur le nez sur la bouche. Le soleil n’est pas humain. Tout se confond dans ma – Ich weiß nicht mehr wohin ich gehe – Fischer Fritz Frisst Frische Fische, ah ah ah ah ! bon sang qui m’a foutu cette merde dans la tête.
Je ne voulais qu’une chose : la paix dans mes oreilles. Je verrais la place, les deux bancs toujours. Je vais attendre longtemps, je vais me retourner à chaque pas attendu, c’est idiot d’attendre ainsi, mais je vais attendre le plus longtemps possible. La nuit va éteindre tout ce qui ne bouge pas. Je vais regarder la nuit faire son travail. Je ne renoncerai à rien, ni à elle ni à lui. La nuit va fleurir dans les arbres. Elle tourne déjà autour de moi. La nuit vide les vies vide ma vie. Mon front brûle de l’attente. Je voudrais oublier l’amour sans fin.
Va voir ailleurs va voir ailleurs si c’est mieux. C’est mieux c’est mieux pour toi. Regarde comme les gens sont joyeux : ils dansent ils tombent ils dansent ils tombent ils dansent, tu le vois lui tu la vois elle. Va voir ailleurs ne regrette rien ne te retourne pas. Regarde comme les gens sont heureux : ils mangent des jalapeños des cheesy des pastrami des glaces des space cake des dinosaures au chocolat. Regarde !
Des étoiles vite des étoiles ô des étoiles un chant pour – je t’ai vu marcher là devant moi, j’ai vu ton dos tes épaules délicieuses ta nuque d’hirondelle, je reconnais ta nuque d’hirondelle. Je te suis, tu traverses je traverse, tu ralentis je ralentis, tu t’arrêtes je m’arrête, toi de l’autre côté moi de l’autre côté. Je vais vers toi sans bouger, mes yeux jouent avec tes yeux, j’écarte ta peur.
Il est clair que le rêve n’ôte rien à la réalité.
D’une à l’autre, de l’un à l’autre, des voix qui sont bien là, dans leur repère, cela crée du suspens, et de l’intérêt.
C
» dans leur repère » , c’est à dire ? Je vous demande parce que je suis encore perdue dans ces voix, ces voix naissantes …
Perdue, je ne sais pas. Mais peut-être que c’est ça qu’il faut, de toute façon, quand on se situe à la naissance des voix. Quitte à ce qu’elle se recoupent, se poursuivent. Parce que je lis un peu comme ça aussi, le texte : « tout ce bruit… tout entre dans mes oreilles… la paix dans mes oreilles… je vais regarder la nuit faire son travail… regarde comme les gens sont joyeux… sont heureux… mes yeux jouent avec tes yeux… » — Les points de vue changent, à chacun son repère à part soi, mais les voix sont emportée par le même flux. Celui de l’auteur ou du lecteur ? Je m’y perds aussi. En tout cas, il semble bien que le rêve règne ici, et que c’est un beau supplément à la réalité. Merci Ana, ça devrait m’aider.