Il débarque. Il a bien pris l’avion. Il a bien montré son passeport à la douane, par deux fois. À chaque passage de la frontière, il a bien été le chercher dans la poche de son sac à dos son passeport et l’a tendu à un fonctionnaire assis dans une guérite en verre. Il va bien récupérer sa valise. Sa valise contiendra ces choses qu’il a prévu pour son déplacement, qu’il a choisi de prendre avec lui en vue de son déplacement. Pourtant il pensait retrouver des visages connus de lui dans l’avion, mais il n’a reconnu personne. Sorti sur le tarmac, il a pris le bus et il a bien récupéré sa valise avec son contenu, il est passé par la douane, qui a apposé un tampon circulaire et encré sur une page vierge et pratiquement carrée de son passeport. Mais il regarde autour de lui et il est seul. Il n’avait pas pensé à grand’ chose mais avait tout de même attendu quelque personne de l’hôtel ou du groupe organisateur soit présent pour l’accueillir et le guider. Nulle main pour lui faire signe, nul panneau avec son nom. Il attend debout à côté de sa petite valise à roulettes, en pays complètement étranger, soudain conscient du ridicule de sa situation et de combien il se sent fragile en ce moment précis. Il ne comprend rien. Il saisit la poignée en plastique de sa valise et sa paume rencontre bien deux vis métalliques qu’il connaît bien et qui l’accompagnent depuis son départ de son appartement. Il fait basculer sa valise vers l’avant pour qu’elle tienne en équilibre sur ses deux roulettes avant et il commence à marcher d’une foulée exagérément grande mais ferme dans un long corridor. Les yeux sur les affiches publicitaires qui l’entourent sont comme dans chaque aéroport du monde, il vit une expérience à laquelle il ne s’attendait pas. Il prend peu l’avion si ce n’est pour des raisons sérieuses, comme aller visiter un membre de sa famille dans un pays étranger ou participer à un congrès. Mais depuis qu’il a reposé pied sur terre les signes qui l’entourent ressemblent plus à des traits posés au hasard et il se met à douter de son jugement propre. Il franchit une porte vitrée qui s’ouvre automatiquement vers l’extérieur. Il fait un pas dehors et le temps le frappe comme à la fois profondément humide et profondément chaud. Ses lunettes sont couvertes instantanément de buée. Il entend quelques oiseaux chanter, des mobylettes ou des motos passer, il sent des passants le frôler, les voitures alignées, les voyageurs héler les taxis. Il essuie enfin ses lunettes sur sa chemise 95% coton à manches courtes et à motifs ananas petits singes et parapluies. Le tissu est trop neuf, synthétique et rêche pour bien bannir la buée des verres. Il lève la tête vers un panneau. De toutes façons il ne voit rien et quand il remet ses lunettes il ne sait toujours pas ce qu’il a devant les yeux.
Rétroliens : #L2 | Les jaunes – Tiers Livre, explorations écriture