Ignorant comme un nouveau-né

Le personnage ne sait pas ce qui se cache derrière l’immensité de la forêt ni tous les dangers qui nous menacent tous. Il ne sait même pas ce qu’il fait sur cette route rectiligne, où elle mène et même si elle a une fin. Il ne sait pas que les flaques boueuses qu’il enjambe sont bien plus profondes qu’il n’imagine. Il ne sait pas ce qui se trame sous ses pieds, dans les entrailles de la terre. Il ne sait pas que les arbres ont des yeux et que le corbeau perché sur la clôture est factice. Il ne sait pas que le scénario est écrit d’avance. Et comme il ne le sait pas, il ignore son rôle exact dans l’histoire, celle que d’autres s’apprêtent à lui faire jouer. Un rôle d’importance sans nul doute. Il ne sait rien de la cabane en rondin de bois . Qui l’a construite, pourquoi, comment y vivait son occupant, de quoi ? Il ne sait pas grand-chose de son dernier locataire. Il ne sait pas s’il veut savoir. Il ne sait pas ce qu’il y a de l’autre côté, derrière la vitre sale. Il ne sait pas qu’il aurait dû aller s’y promener, fouiller. Il ne sait pas qu’un paillasson devant la porte d’une cabane pourrie est un détail incongru. Il ne sait pas que l’immense table en chêne lacérée a des choses à lui raconter. Il ne sait pas qui sont ces gens venus avant lui pour dépouiller la masure. Il ne sait pas que l’œil gauche du corbeau est une caméra de surveillance.

Le personnage est ignorant comme un nouveau-né, mais il ne sait pas que l’auteur l’est encore davantage. Il est là dans cette cabane au bout du monde, mais il ne sait rien de ses motivations profondes, de ce qui le pousse à agir. Il ne sait pas qu’il est manipulé. Il ne sait même pas encore qu’il a le pouvoir de manipuler les autres. Il ne sait pas que quelqu’un, placé plus haut que lui et que l’auteur, tire les ficelles.

Bref, le personnage est dans le flou.