Pas de sommeil possible, à peine quelques instants de somnolence dans une atmosphère lourde et poisseuse. L’air s’incruste dans la gorge et y reste collé. Le cri d’un oiseau nocturne perce la nuit à intervalles réguliers, bourdonnements d’insectes autour du voile fin de mousseline blanche. Quelqu’un tousse, se lève ; j’entends ses pas furtifs glisser sur le sol. Le présent épuise les nerfs alors que les premières lueurs de l’aube avancent à grandes bouffées blafardes par les fenêtres ouvertes.
On avait besoin du bruit des vagues éclatant contre les rochers, alors on prenait la route. L’auberge de jeunesse était comme un phare blanc sur la falaise. On y dormait comme dans un roman victorien.
Je ne me demande même pas ce qui peut m’arriver. Ni pourquoi je suis assise sur cette chaise où je viens de reprendre conscience. J’essaie en vain de lire l’étiquette de la bouteille d’eau à ma droite. Il me faut des forces nouvelles. Malgré le froid, la douleur violente qui me déchire les tempes, je sortirai du labyrinthe.
Mon bras tendu vers l’interrupteur de la lampe de chevet qui cependant a disparu. De même pour le rayon de lumière qui devrait s’étaler sur le mur, perpendiculaire aux lames des volets entrouverts. Le lit lui-même a changé de place. Jusqu’à la remise à neuf du cerveau, tout est encore possible.
Le chant du coq me réveillant à l’aube, l’odeur du café venant de la cuisine, entre l’envie de sauter du lit ou d’y rester encore et prolonger une certaine enfance.
La nuit se peuplait de musique de guitares que les parois fines de la tente étouffaient à peine. Il y avait des rires, la voix grave du conteur, le parfum de la pinède, la lueur tamisée des flammes du feu de bois. Dormir en se sentant nomade.
Dans ce lit trop petit pour toutes les insomnies, au lieu de compter les moutons, j’arrache un à un, comme des pétales, les sourires condescendants plantés sur les visages rencontrés au fil des ans.
Toute la résidence universitaire m’appartient, je longe les couloirs déserts, écoute les résonnances creuses de mes pas sur les dalles, évite les cafards volants.
Le poids des paupières sur les yeux qui résistent au sommeil car la maison a gagné vie et il n’y rien qui la réduise au silence ; à la radio le bruit blanc du marchand de rêves.
Plafond blanc et bas, air raréfié, parois insonores. La cabine exiguë d’un bateau au milieu de l’Atlantique est comme un cercueil anticipé. Quelle odeur, quelle nausée, quelle idée !
Merci pour les changements d’état de conscience…
Merci, Michael !
le chant du coq, « j’arrache un à un, comme les pétales, … », et comme Michael, les changements d’état de conscience. Merci Helena. Et on avait besoin du bruit des vagues…
Très touchée de votre commentaire et heureuse que vous ayez aimé, Anne ! Merci !
Je testerai pour les futures insomnies les sourires sur les visages…
Moi-même je vais devoir essayer ! Merci, Solange !
« Mon bras tendu vers l’interrupteur de la lampe de chevet qui cependant a disparu… », le lit trop petit, « toute la résidence universitaire m’appartient »… bravo
Merci, Brigitte ! Heureuse que vous ayez aimé !
De l’enfance à la mort, rencontres.
textes émouvants
Merci énormément, Huguette !
oh oui, lit trop petit ! on a tous vécu ça… et l’odeur du café et la cabine de bateau
j’ai bien voyagé avec toi, Helena… et puis surtout on continue, plus loin, plus long !
Merci infiniment, Françoise, pour l’encouragement ! J’essaie ! 🙂