Hypothèse 1 – enquête
Ce que nous savons:
– une dame est tombée par la fenêtre d’un immeuble de 14 étages et est décédée
– le mari de la dame était pompier et son fils s’appelait Christian
– les éléments dont nous disposons proviennent des souvenirs d’une personne qui devait avoir 6 ou 7 ans à l’époque des faits
– ces souvenirs ont pu être amalgamés à des scènes ayant eu lieu à d’autres époques, des reconstitutions a postériori, voire des rêves
– la dame serait tombée du 8éme étage
– l’immeuble avait un jumeau et les deux buildings, comme on les appelait, se dressaient sur la place des Verriers, dans une petite ville de Wallonie
– la mort de la dame est fixée dans une scène dans laquelle la petite fille est à l’école regardant par la fenêtre de son banc, premier ou deuxième rang, rangée du milieu
– dans un autre bribe de souvenir très bref, la petite fille apprend la mort de la dame à un autre endroit, à la maison ou sur le chemin vers l’école, probablement de la bouche de sa mère ou ayant entendu quelqu’un le dire à sa mère
– dans les deux cas, au regard de la lumière qui baigne les deux scènes et de la qualité de l’ensoleillement, il est possible que cela ait eu lieu au printemps ou au début de l’été, dans tous les cas avant la fin de l’année scolaire
– la dame était très grosse, c’est le mot qui a été enregistré et n’a pas été poli par le temps, il est donc probablement d’époque
– la petite fille habitait l’immeuble jumeau au 13ème étage
– le quartier était, et est toujours, un quartier populaire constitué de nombreux immeubles communaux et de maisons individuelles identiques, une cité ouvrière des années 50-60
– l’école était située à moins de 500 mètres des deux grands immeubles, et proche des autres constructions de la cité
– l’école comportait trois bâtiments, une école gardienne mixte et deux écoles primaires, pour filles et pour garçons, séparées par la salle de gymnastique
– elle se souvient du prénom du fils de la dame, Christian, mais pas de son visage ou du moindre contact avec ce garçon
– les habitants des deux immeubles se connaissaient de vue et les enfants qui jouaient souvent à l’extérieur devaient se fréquenter ou au minimum connaître les prénoms des uns et des autres
– elle ne se souvient pas si l’on a dit à la petite fille que la dame était tombée ou avait sauté par la fenêtre
– à l’opposé de la place des Verriers une enfilade de commerces dans une construction en arc de cercle: librairie, boucherie, boulangerie, et blanchisserie. Plus loin sur la droite la poste et le commissariat, sur la gauche l’église
– au pied des buildings, versant opposé à la place, des jardinets avec des petits sentiers et de gros arbustes qui étaient un terrain de jeu pour les jeunes enfants
– lorsqu’elle jouait dans ces jardinets il lui arrivait d’appeler sa mère qui l’entendait du 13ème étage et leur lançait de l’orangeade et des biscuits emballés dans du papier récupéré
– bien que ce ne soit pas avéré nous supposons que la dame n’avait pas de profession ou plutôt qu’elle était mère au foyer
– nous ne savons pas si Christian avait des frères et soeurs
– la dame serait malade. Nous ne savons pas s’il s’agit d’une information apprise à l’époque ou d’une déduction opérée a posteriori.
Le récit documentaire décrira le plus précisément possible dans quelle réalité cette scène a pu se dérouler. Souvenirs, réflexions sociologiques, documents urbanistiques, photos, rendront compte de la vie du quartier à l’époque et tenteront d’approcher au plus près de la scène et du mystère d’une mort dont ne reste que des bribes d’images collatérales.
Hypothèse 2 – chute quantique
Chute de gravats.
Chute du corps.
Chute de l’orangeade.
Le livre est une ballade quantique dans des univers parallèles qui présentent les différentes versions de l’histoire « initiale » et les multiples possibilités de reconfiguration. Dans une d’elles, la dame, comme l’orangeade et les biscuits, arrive intacte sur le sol au pied de l’immeuble. Après avoir donné la collation aux enfants, elle s’en va, légère, vers un destin libéré de ses entraves.
Hypothèse 3 – chute burlesque
en cours de rédaction 🙂
J’aime beaucoup votre texte en forme d’enquête. Les propositions successives ouvrent des espaces au lecteur sans perdre la ligne directrice. Et puis cette timide apparition d’un narrateur, ou d’un témoin ? qui n’est pas la petite fille « elle ne se souvient plus si on a dit à la petite fille … », bien mystérieux. Merci donc pour texte stimulant. Me donne envie de lire le bouquin !
Merci beaucoup pour le retour, c’est très encourageant. La magie de cet atelier qui fait naître des univers à partir de traces infimes dans nos mémoires! Bonne continuation à vous. Anne