Pièce encore noire. Une lampe brille sur la tabe, un bol marron une serviette à carreaux rouge et blanc. Par la fenêtre trois quatre appartements allumés léger éclaircissement à l’est. La bouilloire chuinte.
Un matin très doux est arrivé imperceptiblement comme une sortie de rêve encore en mouvement. L’air est retenu en suspens tout remue doucement n’a pas trouvé sa couleur et pas tout à fait une forme rien ne s’arrête à rien le regard flotte doucement.
Beurrer les tartines verser l’eau chaude sur le nescafé une fois assis allumer l’ordinateur. Sur l’écran un biologiste et une journaliste le titre Biodiversité la plus grave et ignorée des crises. La pendule tourne.
Une longue plage de temps où happé par cet homme va rouler et se dérouler un déferlement de presque tout ce qui existe sur terre on entre dans une transe où l’infiniment petit voisine avec le très grand il nous parle de bataille de rois et d’éléphants de poulpes et de marée tout déferle des bactéries minuscules aux énormes glaciers vivants.
Accueillir l’enfant de neuf ans porte ouverte à la volée et bisous dans le cou écouter laisser parler se pencher cajoler attraper la boite de peinture étaler les pinceaux détacher une feuille chercher modèle sur l’ordinateur peindre ensemble.
Un léger ondoiement dans la pièce le désir est palpable l’espace est ouvert sa concentration n’est dérangée par aucun bruit les couleurs blanc et bleu indigo déposées sur une palette puis du jaune adouci de blanc elle peint dans son monde peut-être encore dans les ombres de la nuit où reste encore trace de cauchemars.
Le moment de bouger tranquille si longtemps tourner dans l’appartement regarder partout une trace de son chemin parcouru retrouver des jouets abandonnés plier classer les feuilles les paillettes les laines et les bouts de ficelle trouver l’arrosoir.
Tout est vivant de sa présence elle bouge comme on se déplie elle est là puis déjà ailleurs songeuse soudain elle pense elle pense trop se pose d’un seul coup à genou sur le sol regarde attentivement personne ne regarde ce qu’elle scrute sinon à la dérobée la laissant dans son monde en la voyant éclore si vite que la gorge se serre qu’elle engrange ses sensations et ses émois ses découvertes ralentie soudain jusqu’à l’arrêt complet se relevant aussi vite déjà partie ailleurs.
Silence énorme elle vient de partir. S’arrêter se poser boire un thé rester assise longtemps. Laisser descendre la température du corps. Immense fatigue. Ne rien faire ne plus bouger.
Le silence est vibrionnant tout de même le regard dans le vague fixé sur la porte où flotte encore un petit peu d’elle la journée écourtée de l’hiver va vers sa fin par la porte-fenêtre au nord les arbres et les maisons sont ensoleillés d’un éclat vif encore mais on sent on sait qu’il va décliner très vite arrêter ce mouvement de la ligne séparant la lumière de l’ombre qui monte insensiblement rester longtemps dans cet entre-deux comme on suspend son souffle rester là en attendant la nuit comme ce matin on attendait le jour.
belle cette façon de scinder chaque entrée en description digne d’une haïku (extérieurs déjà chargé d’intérieur) et la mise en mots de l’humain (très très maladroit mon commentaire, j’espère que vous aurez la gentillesse de comprendre 🙂 )
merci, Brigitte, bien sûr que je comprends et vos commentaires comptent beaucoup pour moi. Bonne veillée et bonne nuit.
Que c’est beau cette journée qui se déploie par tableaux. Grande émotion à vous lire.