Des frontales, j’en ai eu beaucoup. Avec les piles dans la lampe, dans un petit boitier derrière la tête, avec la puissance réglable ou pas, faisceau réglable ou pas, plusieurs modes pour économiser les piles, même un mode clignotant, pas le plus agréable. J’en ai perdu, les élastiques ont fini par frisoter de fatigue, les contacts par refuser le contact, le plastique par casser. Mais celle-ci, c’est le top, le dernier cri, rechargeable, elle s’adapte toute seule à la luminosité ambiante. Le top. Deux élastiques réglables à l’arrière de la tête pour le confort, un seul bouton pour le côté pratique. Une pression pour mettre en marche, mode standard, pression longue pour super lumineux et une de plus pour voir vraiment loin. Le bouton coulisse pour verrouiller. Le top. Étanche à la pluie. À l’eau de mer, sûrement pas très longtemps, les contacts doivent avoir tendance à s’oxyder. Un seul bouton, c’est bien pour les doigts, un bandeau double, c’est bien pour la tête. La lampe sur la tête ça vous transforme en cyclope à trois yeux : un qui émet, deux qui reçoivent. Mais surtout, ça vous laisse les mains libres pour chercher dans le sac, pour faire un nœud de chaise, pour tenir les bâtons, pour regarder la carte, pour chercher les bougies quand les plombs ont sauté, pour lire dans le sac de couchage, pour chercher la poule qui manque à l’appel, pour rentrer à la maison en prenant le raccourci dans la forêt, pour mettre les chaines dans la neige, pour bien coller la peau de phoque sous le ski, pour monter la tente quand ça a duré plus longtemps que prévu, pour aller se balader avec les copines quand les journées sont trop remplies et qu’il ne reste plus que les nuits pour sortir prendre l’air. Pour tout faire, de nuit. Indispensable en hiver quand il fait noir vers quatre heures. C’est un objet de campagne, de mer, de montagne. Pas besoin de lampe frontale dans les villes éclairées publiquement. Pour marcher tranquillement sur un chemin bien marqué, on n’en a pas vraiment besoin. Il reste presque toujours un bout de lune et si on laisse le temps aux yeux de s’habituer, ensuite les pieds savent. Pas besoins non plus quand l’habitude nous donne la main, quand le nez, les oreilles et les chevilles viennent épauler le regard empêché. Ce n’est pas un objet de nature. C’est une lumière pour ceux qui utilisent la nature comme lieu de résidence, de balade, de jeu, de travail, puisque les premiers à avoir eu recours à ce genre de lampe étaient les mineurs. Ceux qui appartiennent à la nature, eux, n’ont pas de lumière. Chez les plumes, poils et écailles, noir c’est noir. C’est une question de temps et de patience, ceux qui appartiennent à la nature savent attendre que le jour se lève ou s’adaptent à l’obscurité. À bord pour les navigations de nuit, sauf cas particulier, elle est bannie, elle éblouit, elle anéantit le lent travail des yeux qui se sont habitués à repérer les phares, les feux des autres bateaux, les masses plus claires ou plus sombres, l’écume des vagues sur les cailloux, elle anéantit le travail des yeux qui s’étaient rapprochés des oreilles pour avancer en équipe. Où elle est admise, c’est une lumière de solitude ou de réunion de solitudes. C’est une lumière pour voir son chemin, pas pour en parler. Ce n’est pas une lumière de société, avec ça sur la tête, les interlocuteurs s’entre-éblouissent. Obligés de baisser les yeux, les fermer, tourner la tête, ça perturbe, ça coupe. Tiens, ben je sais plus ce que je voulais dire pour finir cette histoire de lumière frontale …
En te lisant, je découvre tous les usages possibles d’une frontale, et je comprends pourquoi je n’en ai jamais eue . Merci pour cette découverte.
Merci pour la lecture, et je comprends que certains n’en ont jamais eu …
Mais oui, c’est bien elle, je la reconnais la frontale, et vous en faites bien le tour…merci.
Merci pour ta lecture Isabelle, et fait le tour, pas sûre… un petit tour 😉
ensuite les pieds savent /des yeux qui s’étaient rapprochés des oreilles : j’aime bien l’association surprenante pieds/oreilles et lampe frontale. Ce n’est pas qu’une histoire pour y voir même si ça aide « voir son chemin, pas pour en parler ». Merci Juliette pour cette excursion nocturne (à lire le soir ;))
Merci pour la lecture Cécile, encore mieux si c’était une histoire racontée du coin du feu, sans lampe frontale…
Être surpris par le sujet de cette lampe frontale « avec ça sur la tête, les interlocuteurs s’entre-éblouissent » – et toute la riche expérience liée à son utilisation ou à la nécessaire absence d’utilisation pour « voir l’écume des vagues sur les cailloux. » Merci Juliette
Merci Mickaël. Un des grands apports de l’atelier : les questions qu’on se pose ! Utiliser ou ne pas utiliser la lampe frontale…
dans les villes ça peut servir à cambrioler… mais c’est beaucoup mins bien (et en ce cas ça n’aurait pas mérité ce texte)
Merci Brigitte pour ta lecture et cette utilisation à laquelle je n’avais pas pensé…. ici on ne ferme que rarement les portes, souvent les clé restent dessus, dedans comme dehors… Et quand c’est fermé, on sait où est la clé pour pouvoir déposer un petit quelque chose à l’intérieur, à l’abri de la pluie, ou rentrer la lessive oubliée des voisins en cas d’averse…
Merci pour toutes ces évocations, j’aime beaucoup l’énumération autour des différents usages, en particulier la recherche de la poule perdue! Cela m’a fait penser à ce qui est dit avant de la lampe en mode clignotant, « le plus désagréable » mais qui éclaire image après image où c’est à nous de reconstituer la personne qui se cache derrière l’éblouissement, en fonction de ses actions. Très agréable pour moi en tout cas!
Oui, Juliette, on vous devine par petites touches derrière votre frontale. Et ça marche, et ça fait un beau texte !
Passionnante évocation.
J’adore les sujets abordés: aussi bien concrets que contemplatifs.