Arrête un peu de faire chier tu veux
j’y peux rien c’est l’âge t’sais
Ta gueule avec ton âge – arrête de faire chier avec ça tout le monde vieillit et alors et après ? Il a bon dos ton âge tiens ! Ça change quoi ? Et tout le monde va crever aussi si tu veux savoir… Tu veux savoir ? C’est ça qui va t’arriver aussi, tu vas crever et alors et après ? Fais pas chier va ! Et arrête de chialer merde !
c’est le vent je pleure pas
Qu’est-ce que ça peut faire le vent ? tu te défends ? arrête de te défendre alors et chiale un bon coup ce sera fait et t’arrêteras un peu avec cette saloperie de litanie
faut quand même bien qu’on pleure, merde c’est un peu le moment – et toi tu pleures pas ?
Tu veux que je te dise … ? Hein, qu’est-ce tu veux que je te dise ? Si, je pleure bien sûr que je pleure évidemment tout le monde l’aimait et alors ? Arrête jte dis !
tu me l’interdis ?
Arrête je te dis que ça ne sert à rien – mais qu’est-ce que tu fais ? arrête jte dis arrête maintenant ! Oh putain…Bon, crie… Crie ! Crie puisque tu ne sais faire que ça
si tu crois que ça va m’empêcher de
La ferme ! Si tu veux chialer, chiale mais arrête maintenant
c’est que j’ai trop mal, t’sais, trop mal tous les matins et tous les jours, c’est là ça se creuse dès que je me réveille c’est là – et même dans mes rêves tsais, même dans les rêves merde…
On en est tous là, laisse tomber – et arrête avec cette bouteille – emmerde pas l’monde
faut que je le fasse passer
Évidemment et c’est comme ça que tu retournes à ton état alors arrête !
sinon ça passera jamais – ça te fait rire maintenant
Oui je rigole et toi aussi tiens rigole ! Rigole donc au lieu de chialer comme un abruti, rigole ! Maintenant que c’est fini, j’en ai marre…
toi vas-y jte dis vas-y
Ça ne me fait plus rire, j’ai plus envie de rire, je vais te dire
mais toi, tu comprends jamais rien… t’es juste là à juger toujours juger du haut de ton savoir, alors c’est pas vrai peut-être ? Hein dis ?
Après tout je m’en fous t’as qu’à faire ce que tu veux – tu veux boire et ben bois ! Vas-y ! Bois !
toujours haï les points d'exclamation; surtout par trois fois; ceux d'interrogation aussi tu me diras (et par trois fois aussi encore plus) (détestation des signes, horreur des injonctions) (ces affaires de marketing - ces impératifs qui s'étalent sur toutes les affiches - j'avais dans l'idée de répertorier tous ces mots abjects, c'est ce mode qui l'est je suppose - empire, emprise, ordre, discipline, imposition - et puis je m'en suis abstenu - je le ferais peut-être en passant, un de ces jours marchant changeant - j'aurais l'impression de souiller quelque chose je suppose - ça m'a dégoûté sûrement - ça me dégoûte tout autant de marcher devant ces affiches le regard baissé l'échine courbée pour ne pas être violenté par ces offres, ces ordres, ces injonctions toujours recommencées, ça m'en ferait presque détester le métro ou quelque moyen de transport que ce soit - cette façon d'en foutre partout, ça dégouline, ça pue - les images des marques - ce marquetting - toutes les entrées de villes, tous les ronds-points, tous ces carrefours - cette saleté immonde ce gâchis - mais quelle bataille, après tout ? Marioupol, Kiev ? les Kurdes et Rojava ? la publicité ? le profit ? - la chanson qui fait "c'était l'dégoût" ? - je vais prendre un café plutôt
Ces batailles intérireures qui sont comme des dialogues de sourds, inévitables, pourtant, et qui tiraillent, tiraillent.
Super le codicille !
Merci à toi, Helena – j’ai craint que le dialogue intérieur ne soit pas perçu : je suis content que tu me le dises… avec toi P
ta gueule ça ne sert jamais à rien de pleurer – alors arrête d’en parler – je pleure si je veux
ne pas cesser – ne pas s’arrêter
« La ferme! Si tu veux chialer, chiale mais arrête maintenant… »
avance Hercule! (on y est bien en dedans de cette tête en dialogue de sourd )
merci à toi – écouter quand même…
Formidable aussi ton codicille…!!!
Merci à toi – content que ça te dise quelque chose…
Beaucoup aimé, et ce codicille ou comment soigner le mal par l’amertume d’un bon café, tout un art de vivre, merci
Merci à toi…
La force de ce dialogue
Vraiment merci
C’est un échange comme on en vit dans la rue, où il ne sert à rien de mourir, faut plutôt s’engueuler, pleurer et boire, ce truc urbain de la douleur qui se fouette et qui se parle, c’est beau parce qu’il y a toujours quelqu’un dans la tête
Alors on fait du faux sur place
Cette beauté du théâtre qu’on se fait
Merci beaucoup Pierre
merci à toi Françoise